Pourquoi mange-t-on trop pour se remonter le moral ?

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Pourquoi mange-t-on trop pour se remonter le moral ?

dossier Engloutir un litre de crème glacée en cas de contrariété : dans l’imaginaire collectif, cette pratique est presque devenue une image d’Épinal. Si tout le monde n’a pas besoin de vider un pot entier de pâte à tartiner au chocolat pour se remonter le moral, il semble qu’il existe des différences générales dans la façon dont les gens font face aux événements bouleversants qui les affectent, certains étant plus susceptibles de trouver du réconfort dans la nourriture que d’autres.

Ce constat est important, car dans un contexte de tendance à l’excès alimentaire, le fait d’être obligé de manger pour pouvoir faire face à ses sentiments négatifs peut favoriser l’embonpoint et l’obésité. Or le nombre de personnes en surpoids et obèses est plus élevé que jamais. Des estimations récentes suggèrent que d’ici 2025, 2,7 milliards d’adultes dans le monde seront touchés par l’obésité, ce qui les expose à des problèmes de santé tels que maladies cardiovasculaires, diabète de type 2 et cancer.

Pourquoi, contrairement à d’autres, certaines personnes gèrent-elles leurs émotions en ayant recours à la nourriture ? Un concept psychologique peut aider à expliquer cette différence : la théorie de l’attachement adulte. En fonction du degré qu’atteint leur peur d’être abandonnés par ceux qu’ils aiment, les adultes se situent plus ou moins haut sur l’échelle de l’« anxiété d'attachement ». L’endroit où nous nous situons sur cette dernière détermine un ensemble d’attentes vis-à-vis de la façon dont nous et les autres nous comportons dans nos relations personnelles. Celles-ci se sont mises en place en réponse aux soins qui nous ont été prodigués durant notre enfance, ce qui peut caractériser notre style d’attachement.

Une récente méta-analyse (étude regroupant les résultats de nombreuses autres études) a montré que plus l’anxiété d’attachement d’une personne est élevée, plus elle adopte des comportements alimentaires malsains, ce qui a un effet d’entraînement sur son indice de masse corporelle (IMC). Deux autres études ont également montré que les patients qui décident de subir une intervention de chirurgie bariatrique sont susceptibles d’avoir des scores d’anxiété d’attachement plus élevés qu’une population comparable constituée de personnes minces. Cette différence pourrait en partie être expliquée par la tendance à trop manger liée à l'anxiété d'attachement.

Comprendre l’anxiété d’attachement

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On sait depuis longtemps que les personnes qui ont une anxiété d’attachement élevée sont plus susceptibles d'accorder de l'importance aux contrariétés ainsi que de gérer plus difficilement leurs émotions lorsqu’elles sont en colère. Ceci est dû à la façon dont les orientations d’attachement se mettent initialement en place. La dynamique et les sentiments liés à nos relations à long terme les plus importantes, y compris dans la petite enfance, servent de modèles et guident notre comportement dans les relations ultérieures ainsi que dans les situations stressantes.

Si quelqu’un s’occupe de nous avec une constante attention, nous aidant à faire face aux problèmes que nous rencontrons au cours de notre vie, nous allons développer une orientation sécurisante en matière d’attachement. Lorsqu’un événement négatif survient dans la vie de personnes se sentant très en sécurité, celles-ci sont en mesure de se tourner vers les autres pour leur demander du soutien, ou de s'apaiser elles-même en pensant à ce que les personnes qui prennent soin d’elles leur diraient dans cette situation.

Cependant, si les soins que nous recevons sont inconstants – dans le cas par exemple où la personne aidante ne répond pas systématiquement aux besoins – un certain degré d’anxiété d’attachement et une angoisse de voir nos besoins n’être pas satisfaits se développent. Dans ce cas, si des événements négatifs surviennent, le soutien des autres sera recherché, mais il ne sera pas considéré comme fiable. Les personnes souffrant d’anxiété d’attachement s'avèrent aussi moins capables de trouver l’apaisement que les personnes ayant développé un attachement sécurisant.

Nous avons récemment cherché à vérifier si cette mauvaise gestion émotionnelle pouvait expliquer pourquoi les personnes souffrant d’anxiété d’attachement sont plus susceptibles de trop manger. Fait important, nous avons constaté que les personnes ressentant une anxiété d’attachement élevée ont plus de mal à prendre de la distance avec ce qui les contrarie, et à poursuivre ce qu’elles étaient censées faire initialement. Elles gèrent ces émotions négatives grâce à la nourriture, un comportement associé à un IMC plus élevé.

Il est important de noter, cependant, que cette anxiété n’est qu’un facteur parmi de nombreux autres pouvant influencer la suralimentation et l'augmentation de l’IMC. Nous ne pouvons pas affirmer que l’anxiété d’attachement entraîne une suralimentation et un gain de poids. Il se peut aussi que la suralimentation et le gain de poids influencent notre orientation en termes d’attachement, ou que les deux jouent un rôle.

Gérer les comportements alimentaires

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Pour les personnes présentant de hauts niveaux d’anxiété d’attachement qui cherchent à mieux gérer leurs comportements alimentaires, deux approches semblent prometteuses. Il s’agit soit de travailler spécifiquement sur l’orientation de leur attachement ou d’améliorer plus généralement leurs compétences de régulation de leurs émotions.

Pour travailler sur l’orientation de l’attachement, ces personnes peuvent recourir à une technique psychologique appelée « amorçage de sécurité ». Celle-ci est conçue pour stimuler le sentiment de sécurité : il s’agit de faire en sorte que les personnes anxieuses se comportent comme si elles étaient dans la peau de personnes « sécurisées », capables de faire face aux événements négatifs de la vie. Les effets bénéfiques qui en résultent se font sentir de façon plus générale, les personnes qui recourent à cette techniques s’engageant davantage dans des comportements plus prosociaux.

Une étude au moins a établi un lien entre cet « amorçage » et la consommation de coupe-faims : lorsqu’on demande aux gens de penser aux relations sécurisantes de leur vie, ils mangent moins, lors de séances de « grignotage » ultérieures, que lorsqu’on leur demande de réfléchir à des relations génératrices d’anxiété (ce travail est toutefois très préliminaire, et doit encore être répliqué et approfondi).

En ce qui concerne la régulation des émotions, un article récent a souligné l’importance pour les personnes qui cherchent à perdre du poids de se concentrer sur la gestion du stress plutôt que sur la restriction calorique. Cette étude ne concernant pas uniquement les personnes souffrant d’anxiété liée à l’attachement, il faudrait donc poursuivre et approfondir ces travaux.

Dans un monde parfait, évidemment, chacun devrait pouvoir expérimenter des relations qui l’aideraient à développer un haut niveau de sécurité d’attachement. Il s’agit peut-être d’une troisième approche, moins évidente : améliorer, pour tout le monde, le soin apporté aux autres, et les relations interpersonnelles.The Conversation

Laura Wilkinson, Lecturer in Psychology, Swansea University ; Angela Rowe, Reader in Social Cognitive Psychology, University of Bristol et Charlotte Hardman, Lecturer in Appetite and Obesity, University of Liverpool.

► Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.



Dernière mise à jour: octobre 2019
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