Vitamine B1 contre les moustiques : mythe ou réalité ?

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De nombreuses personnes sont convaincues de l’effet anti-moustique de certaines vitamines B. La vitamine B1 est, comme la vitamine B7, riche en soufre. Lorsque notre corps la dégrade, elle produit des composés sulfurés susceptibles de parfumer notre transpiration. Cette mauvaise odeur aurait un effet répulsif sur les moustiques. La vitamine B1, aussi appelée thiamine, est considérée comme un répulsif systémique des insectes depuis 1943. Alors, mythe ou réalité ? 

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D’où vient le mythe de l’effet anti-moustique des vitamines B1 ?

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Un article a dépeint le consensus scientifique qui existe sur l’effet répulsif de la vitamine B1 (thiamine). Ses auteurs ont épluché une centaine d’articles écrits dans différents pays, dans une demi-douzaine de langues sur une période de près de 80 ans. La conclusion est sans équivoque : les répulsifs oraux contre les moustiques ne fonctionnent pas. D’où vient donc cette idée et pourquoi persiste-t-elle ?

Le mythe est né en 1943 dans un rapport de cas rédigé par W. Ray Shannon, un pédiatre du Minnesota. Ce médecin affirmait que des doses orales de vitamine B1 aussi faibles que 10 mg pouvaient protéger une personne contre les piqûres pendant tout un été. Un an plus tard, l’US Naval Medical Research Institute, le Department of Agriculture et le National Institute of Health ont tenté en vain de reproduire ces résultats, mais le mythe avait déjà pris racine. Les médecins et vétérinaires avaient déjà commencé à recommander des doses de thiamine de plus en plus importantes (jusqu’à 1.000 mg par jour) pour protéger les humains et les animaux des moustiques, des puces et des tiques.

Il est également intéressant de mentionner les articles d’analyse de la thiamine elle-même, de sa biochimie et de ses applications cliniques et thérapeutiques. Au 21e siècle, ces études ne mentionnent plus la vitamine B1 parmi les répulsifs. Ils ne mentionnent pas davantage les substances sulfurisées qu’elle dégage ni leur implication pour la peau ou la sueur. Dans aucune expérience bien contrôlée, la vitamine B1 n’a eu d’effet répulsif. Plus encore, malgré de nombreuses recherches, on n’a jamais pu prouver qu’aucun aliment, supplément ou médicament, de quelque nature qu’il soit, puisse repousser les insectes.

Pourquoi la vitamine B1 n’éloigne-t-elle pas les moustiques en réalité ?

Les raisons sont nombreuses, à commencer par le fait qu’elle constitue aussi un nutriment pour les insectes, qui n’ont donc aucune raison de la craindre. Rien dans la biologie des moustiques ne suggère qu’ils sont repoussés ou attirés par la thiamine, puisqu’elle est un nutriment essentiel au développement des larves. Rien n’indique non plus qu’ils puissent la sentir.

La vitamine B1 n’est pas dégradée dans notre corps et n’a aucun effet connu sur la peau. Des études pharmacologiques ont démontré que l’absorption de la vitamine B1 en prise orale diminue fortement après les 5 premiers mg. Le corps humain ne stocke pas la vitamine B1 à long terme : le surplus est éliminé par l’urine. Un surdosage n’a donc aucun effet sur le taux de thiamine de notre corps. Des expériences ont confirmé que la thiamine, à usage local ou oral, n’avait aucun effet sur la peau, les bactéries cutanées ou l’odeur corporelle. En théorie comme en pratique, la vitamine B1 n’est absolument pas un répulsif, pas plus que la levure de bière riche en thiamine, un autre répulsif supposé.

Pourtant, la vitamine B1 reste très populaire dans la lutte contre les moustiques.

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Quels risques à utiliser la vitamine B1 contre les moustiques ?

Des enquêtes menées auprès de pharmaciens en Suisse et en Australie ont révélé que 25 % d’entre eux recommandaient encore la thiamine comme répulsif aux personnes voyageant à l’étranger. Ils exposeraient ainsi inutilement leurs patients aux risques de maladies transmises par les moustiques, comme la malaria ou la dengue. Cet entêtement est probablement dû au fait que médecins et pharmaciens ont appris, durant leur enfance et leur formation, que c’était un médicament sûr, efficace et bon marché. 

Internet renforce encore cette perception erronée : les répulsifs à base de vitamines sont promus sur des sites qui vendent également d’autres alternatives dépourvues d’efficacité ou « naturelles ». Ce n’est pas tout. Comme de faibles doses de vitamine B1 ne servent à rien, des entreprises malhonnêtes entretiennent le mythe en promouvant un dosage extrême de vitamine B1 sous forme de crèmes, de patches et même d’injections. Ces produits ne sont ni sûrs ni efficaces. La thiamine injectable peut provoquer de sévères réactions allergiques sans avoir le moindre effet répulsif sur les insectes. En 1985, la FDA américaine a d’ailleurs interdit le marketing des répulsifs oraux, puisqu’il était frauduleux.

Si la vitamine B1 n’agit pas, qu’est-ce qui est efficace ?

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Quels produits sont efficaces contre les moustiques ?

Depuis des décennies, le N,N-Diethyl-meta-toluamide (DEET) constitue la méthode la plus efficace et la plus sûre pour éloigner les insectes, comme les moustiques ou les tiques. Des centaines d’études confirment la fiabilité et la sécurité du DEET, y compris pour les femmes enceintes et celles qui allaitent. De tous les répulsifs naturels ou synthétiques, c’est donc le meilleur. Il existe aussi un spray à base d’huile de citron et d’eucalyptus, le Citriodiol, qui a un effet de 5 à 6 heures. Il peut être utilisé par les adultes et les enfants ainsi que sur les bébés de plus de 3 mois. 

Attention toutefois : les répulsifs comprenant une concentration de DEET supérieure à 30% sont déconseillés aux enfants et aux femmes enceintes. Le Citriodiol est une substance répulsive autorisée par l’Union européenne. Une ordonnance européenne (528/2012/EU) autorise son utilisation biocide. Il ne faut pas confondre le Citriodiol avec la citronnelle, une huile éthérique naturelle fabriquée à partir d’une série d’herbes asiatiques dont l’efficacité n’est pas suffisamment étayée. La citronnelle n’est d’ailleurs plus reprise parmi les biocides. Enfin, il y a l’icaridine, employée depuis les années ’90 en Australie et en Europe. Elle présente certains avantages :  elle est inodore, ne plaque pas, n’est pas grasse et ne présente aucun effet secondaire, même en cas d’usage prolongé. Elle n’abîme pas les vêtements ni les matériaux en plastique. Cette substance semble moins irritante et donc plus facilement tolérée.

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Conclusions

Bien que certaines anciennes études non contrôlées parues dans certains magazines, souvent de moindre qualité, prétendent le contraire, la vitamine B1 n’a eu aucun effet sur l’écartement des moustiques dans toutes les expériences correctement menées et contrôlées. En fait, malgré leur multitude, aucune étude n’a pu démontrer que la nourriture, les compléments et les médicaments avaient un effet répulsif. Les répulsifs systémiques (oraux) constituent un mythe.

La persistance de ce mythe comme de tous les autres est facile à expliquer, d’un point de vue psychologique.

Un mythe médical, même s’il n’a jamais fait l’objet d’une publication, d’une étude ou d’une discussion approfondie étayée par d’autres scientifiques, est considéré comme une « connaissance générale » et finit même par être cité dans la littérature scientifique. Les articles pseudo-scientifiques vantant les atouts répulsifs de la thiamine sont omniprésents dans les médias non-académiques comme certains magazines, sites de santé et blogs de bien-être. La situation est un peu comparable au tabagisme. Il a fallu des décennies pour que les médecins se rallient au consensus scientifique associant le tabagisme au cancer du poumon. Il existe aussi un mythe plus récent, selon lequel des médicaments comme l’hydroxychloroquine ou l’ivermectine peuvent soigner le COVID-19, bien qu’on ait prouvé le contraire. Les médecins ont besoin de temps pour se rallier aux thèses de la communauté scientifique. Malheureusement, la désinformation en ligne se propage plus rapidement que la vérité. 

Pourquoi certains sont-ils plus souvent piqués que d’autres ?

La réponse est complexe. Pour commencer, seule la femelle moustique pique. La chaleur corporelle, le dioxyde de carbone et d’autres liaisons ou odeurs émises par la peau humaine jouent un rôle. Notre peau dégage quelque 300 substances volatiles, selon une étude. Des chercheurs ont démontré que les moustiques étaient davantage attirés par les odeurs humaines que par les odeurs animales et qu’ils pouvaient les sentir à une distance de 70 mètres par vent favorable. La formation des liaisons odorifères qui attirent les moustiques dépend de facteurs comme le régime, la consommation d’alcool, la grossesse, le microbiote cutané et les infections.

Les chercheurs ont découvert que les moustiques détectent les substances volatiles de la peau à l'aide de récepteurs olfactifs situés dans les récepteurs des neurones olfactifs des antennes. Toutefois, comme l'odeur humaine se compose de centaines de molécules chimiques volatiles différentes, le décodage des profils olfactifs préférés des moustiques reste une tâche difficile. Malgré ce défi, Younger et ses collègues ont montré que les aldéhydes de l'odeur humaine génèrent sélectivement une activité neuronale forte et durable dans les récepteurs olfactifs des moustiques.

On ignore également si les moustiques ont une préférence pour certains groupes sanguins. Certaines études suggèrent une prédilection pour le groupe O mais d’autres ne trouvent pas de corrélation et contredisent cette thèse. Les scientifiques sont toutefois d’accord sur un point : ce sont les substances olfactives dégagées par la peau qui attirent les moustiques. 

Pour tordre le cou à un autre mythe : les moustiques seraient attirés par le « sang sucré ». Cela n'a aucun sens, car une concentration élevée ou faible de sucre dans le sang n’a pas la moindre influence sur les moustiques.

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Sources :
https://www.nvwa.nl
Matan Shelomi (2022). Thiamine (vitamin B1) as an insect repellent: a scoping review. Published online by Cambridge University Press: 24 February
Ian M. Heslop, Richard Speare, Michelle Bellingan and Beverley D. Glass (2020). Assessing the Travel Health Knowledge of Australian Pharmacists. Pharmacy 2020, 8(2), 94.
Winkler, MG and Anderson, KE (1990) Vampires, porphyria, and the media: medicalization of a myth. Perspectives in Biology and Medicine 33, 598–611.
https://www.the-scientist.com
https://pubs.acs.org
Zhao Z, et al. (2022). Mosquito brains encode unique features of human odour to drive host seeking. Nature; 605(7911):706-712.
Ellwanger JH, et al. (2021). Variability in human attractiveness to mosquitoes. Curr Res Parasitol Vector Borne Dis.;1:100058.
https://theconversation.com

Source: Dr.ir. Eric De Maerteleire

Dernière mise à jour: septembre 2024

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