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Quand on est une jeune maman allaitante et qu'on cherche des informations sur l'alternance sein et biberon et/ou sur l'introduction de la sucette, l'ombre de la confusion sein-tétine plane, comme un oiseau de malheur qui risque de sonner le glas de notre allaitement pour toujours. Mais cette confusion sein-tétine existe-t-elle vraiment ou relève-t-elle du mythe? Et au final, nous les mamans, on fait quoi?
La confusion sein-tétine est avancée presque systématiquement lorsqu'une maman exprime des difficultés avec son allaitement. Lorsque bébé refuse le sein, lorsqu'elle pense avoir moins de lait, lorsque le bébé ne prend pas assez de poids... Pourtant, à ce jour, il n'y a pas de consensus sur l'existence ou non d'une confusion sein-tétine. La question est donc bien plus complexe qu'elle n'en a l'air, parce que, bien sûr, elle s'intègre dans des parcours individuels particuliers.
Entre les recommandations de la sage-femme, du pédiatre, de belle-maman et les discussions infinies sur les réseaux sociaux, la confusion n'existe plus seulement chez les bébés, mais bien aussi chez les mamans qui, au final, ne savent plus à quel saint (sein?) se vouer. L'absence de consensus est telle que même les autorités de santé s'y perdent. Ainsi, dans les dix recommandations du label de l'OMS "Hôpital ami des bébés", on trouve "Ne pas donner de tétine ou de sucette artificielle au nourrisson", ce qui a suscité de nombreux débats, chez les spécialistes eux-mêmes. Et pour cause, l'American Academy of Pediatrics recommande, quant à elle, d'introduire la sucette dès l'allaitement mis en place pour prévenir la mort subite du nourrisson.
La confusion sein-tétine est définie comme "la difficulté ou la préférence du nourrisson pour un mécanisme d'alimentation plutôt qu'un autre après exposition à une ou plusieurs tétines artificielles."* Tout le monde est à peu près d'accord sur l'idée que le terme "confusion" est employé mal à propos. Il faudrait plutôt parler de "préférence", puisqu'en réalité, le bébé ne confond pas le sein avec la tétine artificielle, mais peut avoir une préférence.
En général, deux types de préférences sein-tétine sont décrits:
On dit que la confusion sein-tétine peut donc intervenir chez tous les enfants allaités, même dans le cas d'allaitement non écourté (ou allaitement dit long).
Dans une revue systématique (travail de synthèse des connaissances existantes) réalisée en 2015 et publiée dans la revue Nature, les auteurs, E. Zimmerman et K. Thompson, ont analysé la littérature existante sur la confusion des tétines, et ont retenu 19 études.
Sur six études, deux ont indiqué qu'il n'y avait aucune preuve de la confusion sein-tétine (du biberon) et quatre ont trouvé des preuves à l'appui d'un phénomène de confusion. Deux études ont montré la capacité d'adaptation du bébé, pour passer d'une tétine artificielle au sein. Certaines études ont établi un lien entre la difficulté de succion du bébé et une préférence pour le biberon, et d'autres ont fait état d'une préférence quant au débit du biberon qui "récompense" plus rapidement le bébé, ce dernier n'ayant pas à attendre le réflexe d'éjection du lait maternel.
Quatre études ont trouvé des preuves à l'appui d'un phénomène de confusion sein-sucette (raccourcissant la durée de l'allaitement), et 6 n'ont pas établi de lien de causalité. Les données actuelles semblent donc en défaveur d'un impact de la sucette sur l'allaitement.
La revue de Zimmerman et Thompson semble montrer une tendance à un sevrage plus précoce lorsque le biberon est introduit. Tendance qui ne se vérifie pas pour la sucette. Mais attention, il n'est pas encore possible, à l'heure actuelle, de conclure que la tétine artificielle est la cause de problèmes d'allaitement. Pourquoi? Eh bien parce que ce que met en évidence cette étude, c'est la limite des études pré-existantes: en effet, il est impossible de déterminer les causes exactes des problèmes d'allaitement rencontrés par les mères observées.
Dit autrement: on ne sait pas si d'autres facteurs que la tétine n'auraient pas contribué à écourter un allaitement. L'aspect psycho-social est aussi sans doute à prendre en compte. Dans son article sur cette étude, la Leche League dit justement que "les femmes qui avaient des problèmes d’allaitement étaient également les plus enclines à sevrer." On peut par exemple émettre l'hypothèse que les femmes qui donnent une tétine n'ont pas le même projet d'allaitement que celles qui n'en donnent pas. "Il est difficile de déterminer si les nourrissons refusent le sein et préfèrent le biberon parce qu'ils ont déjà des difficultés à allaiter ou s'ils souffrent d'une confusion sein-tétine." résument les auteurs de l'étude.
Bon c'est bien gentil tout ça, mais que faire quand on est une jeune maman tiraillée entre les dogmes d'un maternage idéal et la fatigue?
Avant tout, si vous rencontrez une difficulté avec votre allaitement, faites appel à une conseillère en lactation et/ou une logopède (orthophoniste) spécialisée. Elles pourront vous orienter vers le bon choix, selon votre situation et les problèmes ou enjeux rencontrés. Gardez en tête que ce n'est pas parce que votre bébé refuse le sein ou semble avoir des difficultés à téter que votre allaitement est fichu. Un bébé peut tout à fait revenir au sein, après une grève de la tétée.
La question devient souvent cruciale au moment de la reprise du travail. Tout dépend de ce que vous voulez vous, de votre désir (allaitement non écourté...), de vos valeurs, tout en tenant compte de vos contraintes et possibilités (tirer son lait, allaiter bébé entre midi et deux...). Par ailleurs, les autres contenants type tasse 360° ou à paille ne sont pas tous acceptés ou bien utilisés par les personnes qui s'occuperont de votre bébé (nounou, grand-mère, puéricultrice...). Et rien ne dit que ce type de contenant ne comporte aucun risque de préférence, étant donné l'absence d'étude à ce sujet.
Enfin, ayez du recul face aux témoignages des autres mamans: si lire leurs expériences peut aider, un témoignage n'est pas une preuve. Certaines mamans n'auront en effet eu aucun souci en introduisant des biberons au bout de deux semaines de vie de leur bébé, quand d'autres auront vu leur allaitement écourté, alors que ce n'était pas leur souhait, après un biberon.
Sources:
*Clarifying nipple confusion, Journal of Perinatology, Nature
seedsandcarry.com
La Leche League
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