Manger du yaourt contre le stress, l'anxiété et la dépression ?

dossier Le yaourt, le kéfir, le skyr et d'autres produits fermentés sont riches en probiotiques. Ces micro-organismes vivants jouent un rôle important pour notre santé intestinale mais ils auraient également un impact sur notre santé mentale. Manger du yaourt peut-il avoir un effet contre le stress, l'anxiété et la dépression ? Pouvons-nous améliorer notre santé mentale grâce à la nutrition ? Le professeur Ir.  De Maerteleire nous offre un éclairage scientifique sur la question. 

Quel lien entre le stress et la santé intestinale ?

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© Getty Images

La flore intestinale ou le microbiome est un ensemble de micro-organismes, tels que les bactéries, les champignons et les levures, qui vivent dans le tube digestif de l'homme. Ces micro-organismes jouent un rôle crucial dans la digestion, le système immunitaire et le métabolisme. La diversité bactérienne est essentielle au bon fonctionnement de l'intestin. 

Cependant, des facteurs tels que la génétique, l'âge, le sexe, l'alimentation et le niveau de stress peuvent affecter la composition du microbiome. Par exemple, le stress psychologique chronique augmente la perméabilité de la paroi intestinale, ce qui signifie que les bactéries et les toxines peuvent s'infiltrer dans la circulation sanguine. Ce phénomène, également connu sous le nom d'intestin perméable, entraîne des réactions inflammatoires dans l'organisme. 

Les personnes souffrant de stress chronique peuvent également voir diminuer le nombre de bactéries bénéfiques dans leur intestin, telles que les Lactobacillus. Cela les rend plus sensibles aux infections. De plus, cela peut amplifier les effets négatifs du stress sur le système immunitaire. 

Voir aussi l'article : 75 pour cent de notre système immunitaire se trouve dans l’intestin

La manière exacte dont le cerveau et le microbiome communiquent entre eux n'a pas encore été entièrement élucidée. Mais des scientifiques américains et allemands ont découvert un mécanisme très intéressant qui explique comment notre état mental, c'est-à-dire notre niveau de stress, peut affecter notre santé intestinale.

Le Prof. Ir. Eric De Maerteleire, bioingénieur et auteur de plusieurs ouvrages sur la nutrition, nous résume cette étude : « Les chercheurs ont découvert un lien entre le cerveau et les glandes de Brunner.  Ces glandes sont situées dans la partie supérieure de l'intestin grêle (c'est-à-dire le duodénum) et sécrètent la protéine mucine, un composant clé du mucus qui tapisse les parois de l'intestin. La présence de ce mucus est nécessaire pour préserver l'intégrité de la paroi intestinale, mais c'est aussi un « habitat » pour les bactéries bénéfiques de l'intestin. Les chercheurs ont découvert que le cerveau régule l'activité des glandes de Brunner par l'intermédiaire d'un grand nerf, le nerf vague (le « nerf errant »).


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© Getty Images - amygdale et système limbique

« Le nerf vague envoie des signaux du cerveau vers plusieurs organes tels que le cœur et le système digestif. Il constitue un élément central du système nerveux parasympathique et joue également un rôle dans le processus de repos et de relaxation. Les chercheurs ont découvert que ce grand nerf relie les glandes de Brunner à l'amygdale. L'amygdale est une petite structure en forme d'amande située dans le cerveau. Elle fait partie d'un réseau plus vaste appelé système limbique. En matière de survie, l'amygdale et le système limbique sont extrêmement importants. Ce sont des parties du cerveau qui détectent automatiquement le danger. Mais ils jouent également un rôle dans le comportement, le contrôle des émotions et l'apprentissage. L'anxiété et le stress chronique entraînent une diminution de l'activité de l'amygdale et des signaux envoyés au nerf vague. La conséquence directe est que les glandes de Brunner libèrent moins de mucus, ce qui affecte la composition de la flore intestinale et rend le système immunitaire moins performant ».

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Le stress chronique est donc mauvais pour notre système immunitaire ?

« 70 % de notre système immunitaire se trouve dans l'intestin. Ce chiffre peut nous aider à comprendre pourquoi le stress chronique (psychosocial) augmente le risque d'inflammation et d'infection. Pour annuler les effets du stress, il faudrait donc stimuler le fonctionnement de l'amygdale dans le cerveau. Au cours de la recherche, il a été constaté que la stimulation de l'amygdale chez des souris stressées suffisait à inverser complètement les effets du stress sur leur microbiome intestinal et leur immunité. L'un des moyens d'y parvenir est de consommer des probiotiques. Lorsque les chercheurs ont donné des probiotiques aux souris stressées, ils ont constaté que cela réduisait les effets négatifs du stress. »

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Du yaourt pour réduire l'inflammation et améliorer la santé mentale

Les probiotiques sont des micro-organismes vivants que l'on trouve notamment dans le yaourt, le kéfir, le skyr, le babeurre et d'autres aliments fermentés. Ils jouent un rôle important dans l'amélioration de la fonction de barrière de la paroi intestinale et dans la réduction de l'inflammation. 

Prof. De Maerteleire : « La consommation quotidienne de probiotiques (au moins 100 grammes par jour) peut modifier favorablement la composition du microbiome de sorte que, par le biais du lien entre les glandes de Brunner dans l'intestin et l'amygdale dans le cerveau, les symptômes d'anxiété et de stress psychosocial ainsi que la dépression peuvent être réduits. » 

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Devons-nous tous manger plus de yaourt pour notre bien-être mental ?

Prof. De Maerteleire : "La consommation régulière de yaourts et autres aliments fermentés peut en effet contribuer à augmenter la diversité de la flore intestinale et à réduire l'inflammation." 

Bien que les probiotiques puissent avoir un effet positif, ils ne remplacent bien sûr pas un traitement professionnel de la maladie mentale. En cas de problèmes graves, il est toujours conseillé de contacter un médecin ou un thérapeute.

Sources :
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https://my.clevelandclinic.org


auteur : Sofie Van Rossom - journaliste santé

Dernière mise à jour: novembre 2024

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