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La Terre est la seule planète connue à posséder de grandes étendues d’eau liquide à sa surface. Cette eau nous est indispensable et sa présence peut nous sembler absolument naturelle. Mais sait-on vraiment d’où vient l’eau sur notre planète ?
Question non triviale car on a longtemps pensé que la Terre s’était formée « sèche » (sans eau) du fait de sa proximité au Soleil et donc de la chaleur qui régnait lors de sa formation. Un concours de circonstances cosmiques aurait permis que des corps célestes, comètes ou astéroïdes, provenant des confins de notre système solaire percutent la jeune Terre, y apportant de l’eau et faisant d’elle une planète probablement unique dans l’Univers.
Une étude sur des météorites récemment publiée par notre équipe révèle que l’eau – ou du moins ses constituants, l’hydrogène et l’oxygène – aurait pu être simplement présente dans les roches disponibles dans l’environnement de formation de notre planète. Ceci pourrait rebattre les cartes sur la probabilité d’existence d’autres planètes bleues.
De l’eau sur Terre, de l’eau sous terre
D’abord, il nous faut définir ce qu’est l’eau et où celle-ci se trouve. La « planète bleue » est couverte d’eau sur plus de 70 % de sa surface. Les mers et océans représentent environ 96,5 % de l’eau présente dans les enveloppes externes de la Terre (surface et atmosphère), tandis que les 4 % restant correspondent principalement aux glaciers et calottes glacières, aux nappes phréatiques et à l’ensemble des autres réservoirs tels que les lacs, rivières, l’humidité des sols, la vapeur atmosphérique, etc. Si cette eau omniprésente à la surface de la Terre nous paraît très abondante, elle ne constitue en fait qu’un faible pourcentage de la masse totale de la Terre, de l’ordre de 0,02 % – elle serait entièrement contenue dans une sphère de 1300 km de diamètre, soit environ la taille de l’Allemagne du nord au sud.
Bien que l’eau dans les couches externes soit principalement sous la forme bien connue de deux atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène, H20, ce que l’on appelle « eau » à l’intérieur de la Terre fait plutôt référence à de l’hydrogène incorporé sous différentes formes dans les minéraux, les laves et les fluides. Cet hydrogène peut s’associer à l’oxygène des minéraux pour former de l’eau, si les conditions de pression et température le permettent.
L’eau représente moins de 0,5 % de la masse totale de notre planète. Elle n’en reste pas moins fondamentale tant pour la formation et l’évolution de notre planète que pour l’émergence, l’évolution et le maintien de la vie à sa surface.
Comment est arrivée « l’eau » dans le système solaire en formation ?
Dans le système solaire en formation, l’hydrogène représentait plus de 91% des atomes présents, mais majoritairement sous forme de gaz de dihydrogène, H2. Plus rarement, l’hydrogène pouvait s’associer à d’autres atomes pour former de l’eau, du méthane (CH4), de l’ammoniac (NH3), etc.. Pour savoir si l’hydrogène peut s’incorporer dans les corps planétaires en formation, il faut connaître la température : la glace (forme solide de l’eau, mais aussi du méthane ou du dihydrogène par exemple) peut être incorporée aux roches en formation, contrairement aux gaz.
L’oxygène, lui, s’associe facilement au silicium ou autres cations – fer, magnésium, etc. – pour former des minéraux, quelle que soit la température. Or, la température diminue avec la distance au Soleil et au cours des premiers millions d’années. L’eau est la molécule qui se solidifie en premier lors du refroidissement. Aux très faibles pressions qui régnaient alors, l’eau passe directement de l’état gazeux à solide à une température de l’ordre de – 120 °C.