Pourquoi le beurre noircit à la cuisson et… est-ce dangereux ?

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Sous l’effet de la chaleur, le beurre fond. Il se ramollit à 30 °C et fond à partir de 35 °C. La première chose que l'on voit se produire, ce sont des bulles qui s'échappent lorsque l'eau contenue dans le beurre commence à s'évaporer. Lorsque toute l'eau s'est évaporée, une mousse blanche se forme à la surface de l'huile jaune. Cette mousse est constituée des éléments solides du lait tandis que l’huile jaune est tout simplement de la graisse. Une fois ce stade atteint, la couleur du beurre évolue à mesure que la température augmente. Elle passe du jaune doré au brun clair ou foncé et, si vous ne faites pas attention, au noir. Mais pourquoi le beurre noircit à la cuisson et… est-ce dangereux pour la santé ? 

Tout d'abord, qu'est-ce que le beurre ?

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© Getty Images

Le beurre est un produit très naturel. Il est préparé selon un processus simple : séparer la crème du lait, battre cette crème et, éventuellement, y ajouter du sel. Le beurre contient au moins 82% des matières grasses du lait, 16% d’eau et au maximum 2% de matières sèches dégraissées (autres composants du lait tels que les vitamines, les minéraux, les stérols,...). La teneur en sel peut varier entre 0,1 et 1,5 % selon le type de beurre.

En moyenne, la graisse du beurre est saturée à 66%, monoinsaturée à 26% et polyinsaturée à 4%. Elle contient en outre 4% d’acides gras trans (en particulier l'acide vaccénique et l'acide linoléique conjugué ou ALC). Les composants du lait contiennent des protéines, des acides aminés, des vitamines A, D, E, B12 et K, des minéraux (calcium, potassium et phosphore), des traces de lactose et une série de colorants naturels comme le ß-carotène.

Bon à savoir : le beurre doit son goût typique au diacétyle. On trouve également le diacétyle en moindre concentration dans la bière. C’est pour cela que la bière a un goût de beurre rance si la concentration de diacétyle est trop forte - en cas de fermentation mal maîtrisée.

Beurre noisette : la réaction de Maillard

Le brunissement du beurre est un exemple de la réaction de Maillard.Les acides aminés du beurre - les acides aminés sont les éléments constitutifs des protéines - réagissent avec les sucres réducteurs (en particulier le lactose) présents pour créer des composés totalement nouveaux, dont certains sont bruns et dont beaucoup ont un nouveau goût de grillé. Ce phénomène est connu sous le nom de réaction de Maillard, également appelée brunissement non enzymatique. Elle doit son nom à Louis-Camille Maillard, le médecin et chimiste français qui a étudié ces réactions au début du 20e siècle. La couleur brune survient suite à la fabrication de mélanoïdines. La réaction de Maillard déclenche une série de liaisons chimiques, certains composants peuvent être très colorés, comme le furfural et ses dérivés.

De nombreux aliments brunissent de la sorte lorsqu’ils sont cuits. Pensez au steak, à la croûte de pizza ou du pain, à la peau brune du poulet rôti… En fonction des acides aminés et des sucres spécifiques à chaque aliment, la réaction de Maillard crée des saveurs différentes. C’est pour cela que le bœuf n’a pas le même goût que le pain grillé ou le beurre cuit. Étonnamment, même après un siècle de recherche, la réaction de Maillard n'est toujours pas entièrement comprise par les scientifiques - après tout, la chimie est assez compliquée. 

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On confond parfois la réaction de Maillard avec la caramélisation. Ce sont deux processus différents, bien qu’ils soient comparables à l’œil nu et que les papilles ne fassent pas de différence. La caramélisation peut induire une coloration brune dans un aliment en proie à la réaction de Maillard mais la ressemblance s’arrête là. Les deux processus sont déclenchés par la cuisson mais la réaction de Maillard concerne les acides aminés tandis que la caramélisation est la conséquence d’une pyrolyse de certains glucides (une décomposition).

Beurre noirci : danger ?

Les pigments bruns du beurre noisette sont inoffensifs mais si le beurre continue à cuire, il peut noircir, ce qui n’est absolument pas souhaitable. Les substances créées lors de la combustion sont essentiellement cancérigènes. Il faut donc arrêter de chauffer le beurre à temps pour éviter ce noircissement. Gardez donc toujours un œil sur la casserole et ne vous éloignez pas de la cuisinière. 

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Conseils de cuisson au beurre

Ghee : un beurre apuré

Pour éviter le brunissement, vous pouvez utiliser du « beurre clarifié » ou du ghee. Il s'agit de beurre dont l'eau et presque tous les composants du lait (la matière sèche non grasse) ont été éliminés de sorte que la concentration en matière grasse du beurre soit d'au moins 99,6 %. Le ghee provient à l'origine de la cuisine ayurvédique et est utilisé quotidiennement en Inde et dans d'autres pays asiatiques. Toutefois, le ghee peut également brûler et donc noircir s’il est cuit à température trop élevée. Le ghee possède un autre avantage : il se conserve plusieurs mois à température ambiante.

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Cuisson au beurre et à l’huile

Parfois, en cuisine, on utilise un autre truc pour éviter la décoloration du beurre : on le mélange à de l’huile. C’est ce qu’on appelle un mélange eutectique. Le système consiste à former un mélange homogène de deux éléments ou plus qui ont, ensemble, un point de fusion (température à laquelle les éléments fondent) inférieur aux composants séparés. Cela permet de réchauffer tranquillement un aliment. La combinaison de beurre et d’huile d’olive raffinée constitue un exemple de l’eutectique.  

Ne dépassez pas le point de fumée de l’huile et de la graisse

Le point de fumée est la température à laquelle une graisse ou une huile se décompose et qu’une fumée bleuâtre apparaît. Le point de fumée peut notamment générer de l’acroléine, une molécule responsable de l’odeur de graisse brûlée. L’acroléine est une substance toxique qui peut inhiber le système immunitaire, augmentant ainsi le risque de contracter différentes maladies, dont le cancer. La quantité de protéines et d’acides gras constitue le principal facteur déterminant le point de fumée. Les huiles raffinées ont donc un point de fumée plus élevé. Quelques exemples : le beurre a un point de fumée de 150°C alors que celui du ghee est de 250°C. L’huile d’olive extra vierge a un point de fumée de 180°C contre 230°C pour l’huile d’olive raffinée. Cela explique partiellement pourquoi l’huile d’olive extra vierge ne doit pas être utilisée pour la cuisson. 

Selon un mythe tenace, le mélange de deux huiles au point de fumée différent, par exemple des quantités similaires de beurre (point de fumée 150°C) et d’huile d’olive raffinée (point de fumée 230°C) permettrait d’obtenir un point de fumée égal à la moyenne des deux produits, soit 190°C ((150 + 230)/2). C’est faux. Les composants du beurre (entre autres les acides gras, le glycérol, les protéines et acides aminés) ne supporteront pas une température supérieure à 150°C et commenceront à brûler, qu’ils soient mélangés à une autre huile ou pas. Toutefois, le mélange de différentes graisses et huiles peut être intéressant sur le plan gustatif.

Voir aussi l'article : Huile de cuisson : quelle température ne faut-il pas dépasser ?

Sources :

Departement Landbouw en Visserij - Certificering van boter vervaardigd in Vlaanderen - Cir-Int-Bo-2017-01 02.01.2017, page 23.
Koninklijk Besluit van 6 mei 1988 betreffende boter en boterproducten.
M Sommerfeld (1983). Trans unsaturated fatty acids in natural products and processed foods. Review. Prog Lipid Res., 22(3):221-33.
https://brouwbeesten.nl
https://nl.wikipedia.org
https://www.differencebetween.com
https://www.natuurdietisten.nl
Akshata Moghe, Smita Ghare, Bryan Lamoreau, Mohammad Mohammad, Shirish Barve, Craig McClain, and Swati Joshi-Barve (2015). Molecular Mechanisms of Acrolein Toxicity: Relevance to Human Disease. Toxicol. Sci., Feb; 143(2): 242–255.
https://www.ahealthylife.nl

Source: Dr.ir. Eric De Maerteleire

Dernière mise à jour: février 2025

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