Chronique | Arrêtons de dire aux femmes qu'une fausse couche ce n'est rien
dossier Elle avait acheté des petits chaussons pour l'annoncer aux grand-parents, des bavoirs pour le parrain et la marraine et des petits badges pour les tontons et les tatas. Elle était si heureuse de l'annoncer à son mari... Le test de grossesse était positif, enfin!!! Ils avaient pleuré de joie. Après tant de jours, de semaines, de mois, d'années à espérer la voir, cette petite barre rose s'afficher! Elle avait louché si fort sur des dizaines de tests pour la distinguer, à s'en faire mal aux yeux. Mais cette fois, elle l'avait eu sa petite barre bien nette, bien rose, celle-là même qui annonçait que toute sa vie allait changer. Bien sûr il fallait rester prudente, elle le savait. Elle souffrait d'endométriose, elle était bien placée pour savoir que, dans son cas, les choses pouvaient être compliquées. Elle attendrait les trois mois de rigueur pour l'annoncer à la Terre entière, mais en attendant, son mari était fier et heureux, elle était heureuse. Alors jour après jour, elle s'était laissée aller à y croire - comment faire autrement? - ils avaient commencé à se projeter, comment on décorerait la chambre, on choisirait ces couleurs là si c'est une fille, celles-ci si c'est un garçon. Elle avait fantasmé l'annonce à ses parents, leur bonheur, leur émotion... Ils se réjouiraient pour elle... Enfin!! Après tout ce temps!! Elle caressait son ventre en secret. Elle murmurait "accroche-toi mon bébé". Une nuit, elle avait rêvé de lui, il était tout petit, tout fragile, mais faisait déjà grand en même temps... Elle s'était réveillée en se disant que, bientôt, tout ça serait réel. Les traditionnels symptômes de grossesse lui rappelaient tous les jours que ce qui se tramait dans son ventre était bien réel. Nausées, fatigue et seins qui changent. Son corps se préparait, elle avait lu sur internet qu'avoir de forts symptômes était bon signe. Une semaine plus tôt, elle avait vu son haricot à l'échographie. Le petit cœur battait déjà si fort... C'était fou! Tout allait bien, alors ils étaient repartis tous les deux sur un petit nuage. Sa gynéco lui avait donné une date: c'était prévu pour mi-février, le 14!!! Quoi de plus beau que de viser la St Valentin pour réaliser son rêve de devenir mère. Non cette fois, c'est sûr, son tour était venu. Et puis ce matin là. Le genre de matin qu'on voudrait effacer de sa mémoire pour toujours. Du sang, les urgences, la culpabilité et la détresse. Le petit cœur ne bat plus. Les mots du médecin. Froids, implacables, inutiles. "En même temps vous vous attendez à quoi avec une endo?", "Arrêtez de pleurer, il n'y a pas de quoi être triste, c’est qu’une fausse couche". Sa tristesse se transforme en rage. En rage contre elle-même, contre le monde entier, contre son mari. Comment peut-il l’aimer si fort alors qu'elle a perdu leur bébé? Contre ce médecin. "C'est qu'une fausse couche". En quittant l'hôpital, elle sait déjà que ce n'est pas fini. Elle va entendre les "non mais tu en auras un autre ne t’en fais pas", ou les "si tu as fait une fausse couche c'est qu'il y avait une bonne raison, la nature est bien faite". Elle l'aimait déjà si fort, ce petit bout d'elle de 8 semaines... Ne dites jamais à une femme qui fait une fausse couche que ce n'est rien. Elle avait peut-être déjà acheté des petits chaussons... Ce texte a été inspiré par le témoignage réel d'une femme. Les paroles du médecin ont été fidèlement retranscrites. Suivez Minimi sur Instagram Lire aussi: Ces célébrités parlent ouvertement de leur fausse couche Témoignages | Séjourner en maternité, mais sans bébé Anne, atteinte d'endométriose: « les femmes ne doivent pas se laisser convaincre que c'est dans leur tête »