L’alimentation végétarienne est-elle bonne pour les enfants ?
dossier Le régime végétarien recèle de bienfaits pour la santé et l’environnement. Il séduit à cet égard de plus en plus de personnes. Pourtant, la question de savoir si un régime végétarien convient aux enfants reste un sujet de débat. De nombreux parents s'interrogent : le végétarisme est-il sain pour les enfants ?
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La qualité d'un régime végétarien dépend des aliments consommés régulièrement. Les lacto-ovo-végétariens évitent la viande et le poisson mais consomment des produits laitiers, des œufs, du miel et divers produits végétaux. Les lacto-végétariens excluent les œufs tandis que les ovo-végétariens refusent les produits laitiers mais mangent des œufs.
« Plus le régime est restrictif et plus l’enfant est jeune, plus les risques de carences sont élevés », commente le Dr Ir Eric De Maerteleire, auteur de différents ouvrages sur la santé et l’alimentation. « Une attention particulière doit être accordée à la qualité et à la qualité : les protéines, le fer, le zinc, le calcium, les vitamines A, D3 et B12 ainsi que les acides gras essentiels tels que le DHA, l’EPA et l’acide a-linolénique. » Mais commençons par le commencement…
Quels sont les bienfaits d’une alimentation végétarienne pour les enfants ?

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« Il existe peu d’études sur les bienfaits des régimes végétariens sur la santé des enfants. Chez les adultes, le lien entre le végétarisme et les maladies non transmissibles a été examiné dans le cadre de huit grandes études de cohorte portant sur près de 280 000 participants, dont un tiers étaient végétariens. Les résultats ont montré que les végétariens avaient un taux de mortalité similaire à celui de la population générale, mais un risque plus faible de maladie cardiaque et éventuellement de cancer. Il a également été prouvé que le risque de diabète de type 2, d'obésité, de diverticules et de cataractes était réduit.
Les scientifiques ont tout de même étudié les effets du végétarisme sur les enfants et les adolescents. Ils ont noté que les enfants végétariens étaient généralement plus minces durant l’adolescence que leurs congénères omnivores et présentaient de meilleurs taux lipidiques. »
Quels sont les inconvénients d'un régime végétarien pour les enfants ?
« En 2017, Schürmann et ses collègues ont mené une revue systématique pour évaluer l'apport alimentaire, l'état nutritionnel et l'état de santé des nourrissons, des enfants et des adolescents végétariens dans les pays industrialisés. Globalement, les études ont fréquemment révélé des taux inférieurs de vitamine B12, de fer, de vitamine D3 et de calcium. Toutefois, le risque réel de carence en micronutriments chez les enfants végétariens est relativement difficile à estimer, faute d’études bien conçues. Certaines ne trouvent aucune preuve de différences cliniquement significatives au niveau de la croissance ou des mesures biochimiques chez ces jeunes. Un régime végétarien a parfois été associé à un risque plus élevé de sous-poids. »
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Un régime végétarien peut-il exposer les enfants à des carences ?
Les protéines
« Les études démontrent qu’un régime végétarien peut fournir tous les acides aminés essentiels dont les adultes ont besoin. Cependant, en raison de la plus grande difficulté à digérer les protéines végétales qu’animales, il est suggéré que les enfants végétariens aient besoin de plus de protéines : 30 à 35 % de plus pour les nourrissons jusqu'à deux ans, 20 à 30 % de plus pour les enfants de deux à six ans et 15 à 20 % de plus pour les enfants plus âgés. Par conséquent, les apports en protéines recommandés pour les enfants végétariens sont de 10 à 15 % supérieurs à ceux des non-végétariens.
Les protéines de soja peuvent remplacer complètement les protéines d’origine animale tandis que celles issues du blé ne sont assimilables qu’à moins de 50%. Les principales sources de protéines végétales sont les céréales, les noix, les légumineuses et les graines. En combinant ces ingrédients, il est possible de consommer suffisamment de protéines, surtout si on y ajoute de petites quantités de protéines animales comme les œufs ou les produits laitiers. »
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Le calcium
« Le risque d'ostéoporose à long terme est d'autant plus faible que les os sont lourds et solides dès le plus jeune âge.
Les enfants de 1 à 3 ans ont besoin de 450 mg de calcium, les 4 à 10 ans de 800 mg. Le problème, c’est qu’une alimentation dépourvue de produits laitiers ne fournit en moyenne que 400 mg de calcium. Toutes catégories d’âges confondues, 56% des Belges n’atteignent pas la consommation moyenne recommandée de calcium. D’après le sondage effectué par Sciensano en 2014-2015, seuls 5% des adolescents (14 à 18 ans) ingèrent la quantité quotidienne recommandée de calcium alors qu’ils traversent une période de croissance cruciale.
Des chercheurs de la Creighton University ont signalé que les produits laitiers constituaient une source efficace de calcium grâce à leur teneur élevée et à leur facilité d’absorption.Bien que certains légumes contiennent du calcium, la quantité est souvent plus faible et des antinutriments tels que l'acide oxalique peuvent entraver son absorption. Les légumes à feuilles vert foncé tels que le chou frisé, le chou, le brocoli et le navet contiennent du calcium bien assimilable et sont donc particulièrement recommandés pour les végétaliens. À titre d'exemple, 360 grammes de brocoli fournissent la même quantité de calcium qu’un verre de lait. D’un point de vue pratique, sans produits laitiers ou aliments enrichis, il est impossible d’ingérer suffisamment de calcium. En outre, la vitamine D3 présente dans le lait favorise l’assimilation du calcium. D'autres facteurs, tels qu'une consommation élevée d'acides aminés soufrés dans les céréales, les noix et les graines, peuvent réduire la rétention du calcium.
Des chercheurs italiens ont conclu que, bien que les effets d’un régime végétarien sur la santé osseuse soient variables, iil est essentiel que les végétariens consomment suffisamment de calcium et de vitamine D3 par le biais de suppléments, d'aliments naturels ou enrichis, ainsi que suffisamment de protéines, de fruits, de légumes et de vitamine B12. À condition de consommer suffisamment de calcium et de vitamine D3, un régime végétarien équilibré n’a pas d’impact négatif sur la santé des os. »
- Conclusion : les enfants suivant un régime végétarien qui consomment assez de produits laitiers ingèrent suffisamment de calcium. Ceux qui en font abstraction peuvent éprouver des difficultés à atteindre leur dose quotidienne de calcium.
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La vitamine D3
« La vitamine D3 est naturellement présente dans les produits d’origine animale comme le foie, les poissons gras et les jaunes d’œufs. Elle peut donc manquer aux régimes végétariens et surtout végétaliens (végans). Les produits pour nourrissons et de nombreuses marques commerciales de lait de vache, de même que certains produits à base de soja et de lait de riz, sont enrichis en vitamine D3. Les enfants peuvent fabriquer la vitamine D3 en s’exposant à la lumière du soleil. Pour les enfants de peau claire, une exposition de 20 à 30 minutes, visage et mains découverts, 3 fois par semaine, est suffisante. L’application de crème solaire diminue la production cutanée de D3. Les personnes à peau foncée l’absorbent également moins bien.
Puisque les poissons gras sont une source importante de vitamine D3 et que les végétariens en évitent la consommation, il peut être difficile d’en ingérer suffisamment sans prendre de compléments ou d’aliments enrichis. Même si le lait de soja ou de riz, les margarines et les céréales fournissent de la vitamine D3, il est possible que la quantité ne soit pas suffisante. La dose quotidienne recommandée de vitamine D3 pour les enfants est de 10 microgrammes. »
- Conclusion : tous les enfants respectant un régime végétarien doivent s’exposer suffisamment au soleil tout en consommant des produits enrichis, surtout en hiver.
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La vitamine B12
« Les enfants lacto-ovo-végétariens (qui consomment des produits laitiers et des œufs) semblent ingérer assez de vitamine B12 mais ceux qui suivent un régime végan doivent certainement prêter attention à cette vitamine. Les végétaliens stricts courent le risque de développer des carences en B12, puisque cette vitamine n’est présente que dans les produits d’origine animale. »
- Conclusion : une supplémentation ou la consommation d’aliments enrichis est essentielle. La levure, les boissons de soja et de noix enrichies et les céréales sont des sources de vitamine B12. Attention : les régimes végétariens comportent souvent beaucoup d’acide folique (vitamine B11). Or, un taux élevé de B11 peut camoufler une anémie due à une carence en vitamine B12. Les enfants présentant un taux trop faible de B12 sont exposés à des affections neurologiques.
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Le fer
« Le fer est extrêmement important pour le bon fonctionnement du système immunitaire et la formation de globules rouges. Une carence en fer est fréquente chez les enfants de 18 à 24 mois, qu’ils soient végétariens, végétaliens ou omnivores. »
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« Le fer se présente sous deux formes dans notre alimentation : le fer hémique et le fer non-hémique. Le premier ne se trouve que dans les aliments d’origine animale. Le non-hémique est issu des nutriments d’origine animale et végétale. Nous consommons essentiellement du fer non-hémique - 90 % environ. Notre corps absorbe environ 25% de fer hémique à partir de l’alimentation. La quantité de fer non-hémique assimilée peut varier de 1 à 10%, en fonction de sa solubilité dans le côlon. Le fer soluble est mieux assimilé. » |
« Les végétaliens et les lacto-ovo-végétariens doivent prendre 1,8 fois plus de fer que les autres, à cause des différences de disponibilité biologique entre le fer hémique et le non-hémique. La vitamine C et d’autres composants des fruits et légumes améliorent l’assimilation du fer non-hémique. Les aliments riches en vitamine C sont notamment les poivrons, les tomates, toutes les sortes de fruits, les baies, le chou et le brocoli. Attention toutefois : certaines substances comme les fibres alimentaires, les phytates et le tanin inhibent l’absorption du fer. Il s’agit donc de trouver un équilibre. »
- Conclusion : la carence en fer constituant le souci le plus fréquent chez l’enfant, il est essentiel de lui offrir une alimentation riche en fer. Il existe diverses options, comme les céréales enrichies au fer, les céréales, les haricots secs et les petits pois ou encore les compléments. Une supplétion peut s’avérer indispensable pendant les phases de croissance rapide.
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Le zinc
« Le zinc joue un rôle essentiel dans le développement comportemental et cognitif de l’enfant. Une carence en zinc peut entraîner des problèmes de croissance et perturber le développement des cellules du cerveau, provoquant des troubles de l’apprentissage et de comportement.
Les végétariens, et en particulier les végétaliens, peuvent avoir des difficultés à consommer suffisamment de zinc. Les nutriments d’origine végétale contiennent des substances, comme les phytates, qui peuvent entraver l’absorption du zinc. Les phytates se lient au zinc, réduisant ainsi sa biodisponibilité.
Un régime omnivore permet d’obtenir 50% de la quantité requise de zinc grâce aux protéines animales. Le lait maternel suffit à en apporter au bébé jusqu’à l’âge de sept mois. Ensuite, d’autres sources sont nécessaires. Les végétaliens stricts peuvent présenter une carence de 50% par rapport aux omnivores. »
- Conclusion : Bien qu’une carence en zinc soit rare chez les enfants végétariens, il faut veiller à ce qu’ils consomment des aliments végétaux riches en zinc, comme le son, les flocons d’avoine, les germes de blé, les petits pois, les légumineuses, le tofu, les noix, les germes, la pâte de noix et les céréales complètes. Certaines techniques de préparation, comme la fermentation et la germination des céréales et graines, peuvent améliorer la disponibilité biologique du zinc.
La riboflavine (vitamine B2)
La riboflavine ou vitamine B2 est essentiellement issue des produits d’origine animale. Une alimentation végétarienne peut donc induire des carences. La riboflavine est un élément important des coenzymes impliqués dans la croissance cellulaire, la production d’énergie et la décomposition des lipides, des stéroïdes et des médicaments. Végétariens et végétaliens courent un risque élevé de carence, faute de consommation trop réduite ou d’exclusion de tous les produits laitiers et des viandes. Ils peuvent y remédier en mangeant des aliments enrichis à la riboflavine et en augmentant leur consommation de légumineuses, de noix, d’avocats et de céréales complètes.
Les légumes à feuilles vertes et les champignons constituent de bonnes sources, même s’il n’est pas toujours évident d’inciter les enfants à en manger assez. »
Matières grasses et acides gras
« Les enfants de 2 à 5 ans ont besoin d’aliments gras afin d’ingérer suffisamment de calories et de répondre à leurs besoins nutritifs. Dans cette phase de la vie, il est plus important d’améliorer la qualité des lipides que d’en diminuer l’ingestion. Les enfants ont un besoin accru d’acides gras essentiels, plus précisément d'oméga-3, importants pour leur croissance et leur développement.
Il y a une différence entre les acides gras oméga-3 végétaux et animaux. Les sources végétales contiennent de l’acide alpha-linolénique (AAL). Les enfants végétariens peuvent en trouver en suffisance dans les noix, les graines, le tofu et les huiles végétales comme l’huile d’olive et de lin. Toutefois, l’assimilation de certains oméga-3, comme l’acide docosahexaénoïque (DHA) et l’acide eicosapentaénoïque (EPA) constitue un défi, puisqu’ils sont essentiellement présents dans les poissons gras.
DHA et EPA sont cruciaux pour la santé et le développement des enfants. Le Conseil supérieur belge de la santé recommande une prise quotidienne d'oméga-3 à hauteur de 1 à 2% de l’énergie totale, y compris, l’AAL, le DHA et l’EPA. Plus spécifiquement, on recommande une ingestion quotidienne de 250 à 500 mg d’EPA et de DHA à partir de 3 ans. En pratique, cela signifie que les enfants devraient ingérer entre 150 et 300 grammes de poisson gras par semaine-maquereau, saumon, hareng, sprat, sardines…
Il est plus difficile de consommer suffisamment de DHA et d’EPA si on respecte un régime végétarien ou végétalien. Certaines alternatives peuvent s’avérer utiles, comme les aliments enrichis à l’huile de poisson, les préparations à base d’algue ou les compléments d’huile de poisson. Bien que le corps puisse transformer l’AAL en DHA et en EPA, le rendement reste faible (environ 6% pour l’EPA et 3,8% pour le DHA). La teneur de ces acides gras reste donc insuffisante s’ils proviennent d’une alimentation végétarienne. »
- Conclusion : Des études ont révélé que le DHA améliorait le processus d’apprentissage, la vue, la mémoire et la concentration. Il est donc important de veiller à ce que vos enfants consomment suffisamment d’acides gras oméga-3, et plus particulièrement du DHA et de l’EPA, afin de soutenir leur santé et leur développement.
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- Les régimes végétariens peuvent, éventuellement, convenir aux enfants, à condition de faire preuve de vigilance, notamment au niveau de la variété, et d'être conscient des éventuelles carences qui peuvent apparaître. Toutefois, les mêmes remarques s'appliquent aux régimes
- Les éléments végétaux d'un régime végétarien sont les mêmes que pour tout régime sain : veillez à consommer une grande variété d'aliments, notamment beaucoup de fruits et de légumes, des céréales complètes, des légumineuses (comme les haricots, le soja et les lentilles), des fruits à coque et des graines.
- A signaler : l’alimentation végétale contient souvent moins de calories par gramme que la nourriture d’origine animale. Les enfants doivent donc ingérer de plus grandes portions pour assimiler suffisamment d’énergie. Or, celle-ci est essentielle à leur croissance et à leur développement.
- De nombreuses études indiquent que les végétariens sont davantage exposés à des carences en nutriments essentiels, comme les protéines, les acides gras oméga-3, les vitamines D3, B12, B2, le fer, le calcium et le zinc. Il s’agit donc de prêter attention à ces éléments dans l’alimentation des enfants. Durant leur croissance, il vaut mieux opter pour des aliments enrichis. Pour certains éléments, vous pouvez éventuellement envisager la prise de compléments alimentaires.