#stopaccouchementmasqué: des femmes dénoncent le masque imposé pendant l'accouchement
dossier
En France, des voix s'élèvent pour dénoncer le port du masque pendant l'accouchement, imposé par certaines structures hospitalières. Elles parlent de violences obstétricales.
Parmi les mesures restrictives dues à la crise du coronavirus, le port du masque obligatoire en salle d'accouchement semble loin d'être anecdotique. Pourtant, rien ne devrait justifier ces pratiques qui sont d'ailleurs décommandées par des instances de santé d'autres pays. Par exemple, au Royaume-uni, le collège royale des sages-femmes déclare que "les patients ne doivent pas porter de masque lorsqu'il y a un risque que leur état clinique soit affecté. Les femmes en train d'accoucher font parti de ces patients."
L'OMS ne statue pas sur l'accouchement mais, en matière d'efforts physiques (et l'accouchement en est bien un), l'Organisation mondiale de la Santé est, on ne peut plus claire. "Il ne faut PAS porter de masque quand on fait de l’exercice car les masques peuvent réduire l’aisance respiratoire. La transpiration peut entraîner une humidification plus rapide du masque, rendant la respiration plus difficile et favorisant la croissance des micro-organismes."
Mais alors, pourquoi en France et en Belgique on impose encore le masque aux femmes qui accouchent?
#stopaccouchementmasqué
En réaction à la situation, 6 mois après le début du confinement, le collectif "Tou.te.s Contre les Violences Obstétricales et Gynécologiques" TCVOG s'est fendu d'une vidéo, samedi dernier, dans laquelle Sonia Bisch, sa présidente, annonce lancer une action #stopaccouchementmasqué pour guider les mamans qui cherchent à accoucher sereinement, dans les conditions qui leur conviennent. Le collectif a donc mis en ligne un formulaire à remplir, pour récolter les données servant à faire connaître les protocoles des maternités. L'idée: vous appelez une maternité et posez des questions claires: la présence de l'accompagnant est-elle autorisée pendant l'accouchement? Le port du masque pendant le travail est-il obligatoire? Pendant quelle durée? Et en suites de couches? Si on a des symptômes ou qu'on est Covid +, est-on séparée du bébé? Etc.
https://www.facebook.com/watch/live/?extid=28lLKrQBy5vfPBhu&v=3275702625850168&ref=watch_permalink
Dans un billet publié sur son célèbre blog Marie accouche là, la Belge Marie-Hélène Lahaye s'interroge: "Il est étonnant qu’une telle mesure se soit imposée sans discernement de la part de sages-femmes et d’obstétriciens et qu’elle ne fasse pas l’objet d’un questionnement au sein de la société. Si, du jour au lendemain, on imposait le port du masque à 42 % des participants à un marathon ou des athlètes aux jeux olympiques, imaginerait-on que personne ne se questionne sur les performances sportives dues port du masque imposé? Accoucher représente pourtant un effort physique comparable à celle d’un marathonien ou d’un sportif de haut niveau. Comment une telle mesure a-t-elle pu germer dans la tête de personnes dont le métier est censé être celui d’accompagner correctement les femmes qui donnent naissance?"
Et encore, le marathonien, lui, est physiquement entrainé et (on espère pour lui) ne souffre pas autant qu'une femme qui met au monde un enfant.
Le collectif TCVOG et Marie-Hélène Lahaye évoquent aussi un lien de corrélation entre port du masque et augmentation d'actes médicaux ou complications. Si corrélation n'est pas causalité, la question mérite en tout cas d'être posée.
Des témoignages édifiants
Laurène a accouché d'une petite fille en mai dernier. Elle raconte: "J'ai eu 27 heures de travail, en salle d'accouchement, avec masque obligatoire. Je l'enlevais quand même quand personne n'était dans la salle. Quand le moment de la poussée est venu, on m'a demandé de me masquer. Cela a été très dur, je n'avais déjà pas eu de préparation à l'accouchement à cause de la crise, donc j'étais doublement stressée. C'était difficile de reprendre son souffle et ce qui m'a le plus affectée, c'est le fait de ne pas avoir pu embrasser ma fille quand ils l'ont posée sur moi."
C'est aussi ce qui a fait le plus souffrir Lætitia, qui a accouché à Namur "C'était port du masque non stop dès la présence du personnel, du début du travail jusqu'à la fin. Le plus dur, ça a été de ne pas pouvoir tout de suite embrasser mon bébé. Je me rappelle avoir entendu le gynéco dire que je saignais beaucoup, j'ai alors pensé "oh mon Dieu, je vais devoir attendre avant d'embrasser mon bébé!" Et ça, ça a vraiment été le plus dur. Ne pas pouvoir l'entourer complètement d'amour."
Julie, qui a accouché à Braine l'Alleud, a aussi dû porter le masque en salle de naissance puis sur la table d'opération, pendant la césarienne. Elle se montre plutôt philosophe: "C'était pendant la canicule, donc on n'était plus à ça près, et j'étais plus impressionnée par la césarienne que par le masque."
Laurène et Julie ont bénéficié d'une analgésie péridurale. Pour Laetitia, cette dernière n'a pas fonctionné. On imagine alors aisément la torture que représente le port du masque, quand les les contractions provoquent nausées et vomissements... Un peu comme si on vous mettait la main sur la bouche alors que vous avez du mal à respirer.
Refus du masque pendant l'accouchement, que se passe-t-il?
"L'accouchement, ça n'est pas juste une technique, une mécanique. Il y a aussi une prise en charge psychologique, un accompagnement. S'il n'y a pas de considération et de bienveillance, ça peut briser des liens et entrainer des traumatismes. Finalement, ça peut avoir des effets délétères pires le Covid." Explique encore Sonia Bisch dans la vidéo ci-dessus.
Et si les femmes refusent le masque? C'est la question que pose une internaute, réagissant à ses propos.
"On a reçu de nombreux témoignages en ce sens, de femmes qui finissent par arracher leur masque. Vous avez le droit de dire non. Même si c'est pas évident quand on est en position gynéco et/ou qu'on a des contractions. On n'a pas envie de se battre. Et puis on peut avoir peur des représailles. Si jamais je refuse, est-ce que je serai bien prise en charge derrière? Si on fait un accouchement physio, on n'a pas envie de se battre pendant le travail. Et si on se bat, ça va perturber l'accouchement. C'est bien de dire à votre partenaire que vous ne voulez pas de masque. Il argumentera pour vous le cas échéant, pour que vous n'ayez pas à vous battre et que vous puissiez rester dans votre bulle."
Et le personnel soignant dans tout ça?
Selon un article du Huffington Post, des recommandations du collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) sur cette pratique devraient être publiées dans quelques jours. L'article en donne un avant-goût, en rapportant les propos de Philippe Deruelle, secrétaire général du CNGOF: "“Il ne faut pas recommander le port du masque pour les patientes qui ne sont pas Covid positives ou qui ne présentent pas de symptômes évocateurs. Les professionnels qui le souhaitent peuvent porter un masque FFP2 mais le masque chirurgical suffit à protéger à 85%.”
Cela dit, ces recommandations valent pour l'expulsion. “Pendant le travail et après l’accouchement, quand la patiente est dans sa chambre, lorsqu’un professionnel de santé entre et que la consultation dure, on peut lui demander de porter un masque”, ajoute le professeur Deruelle.
Bien sûr il ne s'agit là que de recommandations. Et on admet les réserves et craintes du personnel hospitalier français au regard du manque de masques FFP2 dans certaines structures. La sage-femme Anna Roy avait d'ailleurs poussé un coup de gueule retentissant dans La Maison des Maternelles sur France 4, il y a quelques jours, à ce sujet là.
De son côté, Adrien Gantois, président du Collège national des sages-femmes, parle sans détour de violences obstétricales. “C’est choquant d’obliger des gens à porter un masque pendant l’expulsion. Il faut donner toute la liberté à chaque femme de vivre son accouchement. Ne pas donner la possibilité aux patients de vivre un accouchement respecté, c’est une violence obstétricale.”
Violence obstétricale ou pas violence obstétricale, ce qui est certain c'est qu'aujourd'hui des femmes ont peur d'accoucher masquées, sans leur partenaire. Alors qu'un accouchement c'est, on peut le dire, un sacré marathon.
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Dernière mise à jour: juillet 2022
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