Syndrome de Noé : l’amour des animaux devient pathologique
dossier Des dizaines d’animaux entassés dans des petits appartements et retrouvés très mal en point ? L’information fait régulièrement les gros titres. En 2018, quelques 60 animaux étaient sauvés dans la région de Mons. En 2019, 39 animaux étaient découverts chez deux octogénaires à Manage et La Louvière. La même année, à Mettet, c’est une soixantaine de chats qui étaient récupérés suite à un avis d’expulsion. Des faits divers sordides qui relèvent pourtant d’une maltraitance bien involontaire, motivée à la base par une bonne intention : sauver le maximum d’animaux.
Symptômes
Le syndrome de Noé, connu aussi sous le nom d’« animal hoarding » (accumulation d’animaux), se caractérise essentiellement par le fait que les personnes concernées hébergent un très grand nombre d’animaux et qu’elles ne parviennent pas à leur assurer des conditions de bien-être élémentaire, alors qu’elles y sont vraiment attachées et n’ont aucune volonté de les faire souffrir.
Les signes qui doivent alerter ? Le « sauveur » a du mal à évaluer le nombre d’animaux qu’il possède tant ils sont nombreux, son logement est détérioré et très sale, ses animaux ne sont pas en bonne santé (parasites, malnutrition, détresse psychologique...), lui-même est souvent isolé et négligé, il est persuadé que tout va bien.
Il faut noter qu’un groupe d’individus, sous la forme d’un refuge par exemple, peut être touché par le syndrome de Noé. On peut alors les repérer au fait qu’ils se montrent réticents à faire visiter leurs installations, qu’ils manifestent peu d’efforts pour faire adopter les animaux recueillis et qu’ils considèrent les autres refuges comme des ennemis.
Causes
Les premières recherches sur le sujet, menées par le vétérinaire et épidémiologiste américain Gary Patronek dans les années 80, semblaient montrer que ce trouble mental atteignait plus particulièrement les femmes âgées de plus de 40 ans vivant seules. On sait désormais que tout type de personne peut être concerné. L’isolement social reste toutefois un marqueur important, mais il est difficile de dire s’il est une cause du syndrome de Noé ou une conséquence.
D’ailleurs il n’y a pas encore de consensus sur les causes de ce trouble mental désormais répertorié dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5) de l’American Psychiatric Association. Les premières recherchent s’orientaient vers une variante des troubles obsessionnels-compulsifs (TOC), du même ordre que le syndrome du collectionneur (compulsion à accumuler des objets de la même catégorie pour les avoir tous) ou que le syndrome de Diogène (impossibilité de jeter le moindre objet). Or, les personnes atteintes du syndrome de Noé ne cherchent pas forcément à posséder le plus grand nombre possible d’animaux. Elles vivent surtout dans le fantasme de les sauver, sans parvenir à évaluer si c’est réalisable ou non.
Pour beaucoup de psychiatres, le syndrome de Noé relèverait donc surtout de troubles de l’attachement, associés à des troubles de la personnalité, à la paranoïa, à la dépression. Une chose est certaine, il se déclenche souvent suite à un choc émotionnel, la perte d’un proche par exemple.
Moyens d’action
Le mercredi 3 octobre 2018, le Code du Bien-être animal a été approuvé par le Parlement de Wallonie. Il interdit et sanctionne notamment l’abandon d'animaux, la négligence et la maltraitance. En cas de suspicion de syndrome de Noé, il convient donc de s’appuyer dessus pour alerter la police, les services vétérinaires, les associations de protection animale. Car même s’il n’y pas de volonté délibérée de faire souffrir les animaux dans le cas d’un syndrome de Noé, ils sont si mal soignés qu’après sauvetage, environ 8 animaux sur 10 doivent être euthanasiés.
Concernant les propriétaires d’animaux touchés par le syndrome de Noé, il est possible de les aider à se soigner, via notamment les thérapies cognitives et comportementales (TCC), associées éventuellement à une prise en charge médicamenteuse (antidépresseurs, anxiolytiques). Mais leur pathologie reposant sur le déni, ils acceptent très difficilement d’être pris en charge.