EM/SFC : le témoignage de Dascha atteinte d'encéphalomyélite myalgique, « Jour et nuit dans l'obscurité »

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temoignage

Dascha (42 ans) travaillait comme psychologue clinicienne il y a huit ans. Elle aimait la danse et le vélo, et venait de devenir maman d'un petit garçon. « Je me considère chanceuse d'avoir pu vivre sa première année en bonne santé, d’avoir pu le nourrir, le réconforter, l'habiller et l'emmener partout. Car lorsque notre fils a eu un an, j'ai contracté une infection à cytomégalovirus (CMV) et ma vie n'a plus jamais été la même après cela ».

Dascha, aujourd’hui atteinte d’encéphalomyélite myalgique sévère, nous livre son témoignage.

« Le CMV est un virus bénin pour la plupart des gens, mais il m'a rendue très malade. Même après la fin de l'infection, je suis restée souffrante et j'ai développé un syndrome appelé encéphalomyélite myalgique, également connu sous le nom de syndrome de fatigue chronique (EM/SFC). Le terme « SFC » est quelque peu trompeur : il implique bien plus que le simple fait d'être « fatigué » ou épuisé.

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L’état grippal et léthargique ressenti lors de l'infection n'a jamais disparu.

J'ai essayé de travailler des demi-journées pendant un certain temps encore. Mais cela n'a pas marché. Je me traînais au fil des jours, épuisée, pleine de douleurs et incapable de me concentrer correctement. Les tâches ménagères et les soins apportés à notre fils sont vite devenus entièrement à la charge de mon mari. Je faiblissais de plus en plus. Très vite, j'ai eu besoin d'un fauteuil roulant. Le moment où je n'ai plus pu coucher mon fils toute seule m'a brisé le cœur. J'ai continué à tenter de trouver ce que je pouvais encore faire, comme jouer avec mon fils pendant que j'étais au lit. Et j'ai commencé à faire de la peinture sur pierre. Mais même ces choses ont rapidement cessé de fonctionner. Mes forces diminuaient de plus en plus. Les sons et la lumière du quotidien commençaient à me faire souffrir et me rendaient encore plus malade. J'ai donc dû m'isoler complètement dans l'obscurité.

Cela fait maintenant plusieurs années que je vis dans une résidence-services. Comme je ne supporte plus le bruit, je ne peux plus vivre avec mon fils. Mon ex m'a construit une chambre insonorisée où je reste dans le noir jour et nuit. 

Chaque jour, une aide familiale passe très discrètement. Elle dépose de la nourriture et des boissons à mon chevet. Avec une cuillère en plastique, car les couverts ordinaires, je ne peux plus les soulever et ils font trop de bruit. En position allongée, je mange de petites bouchées, car les symptômes orthostatiques font que je ne peux plus m'asseoir. Elle vide également le seau des toilettes qui se trouve juste à côté de mon lit. Comme je ne peux plus marcher, je me hisse sur cette cuvette. Parfois, cela ne fonctionne pas non plus et je fais pipi dans un urinoir. Je suis également trop malade pour me doucher ou me laver les cheveux (ou les faire laver) depuis des années. Je ne supporte pas le moindre contact avec mes cheveux. Ma couverture me fait également mal, alors je m'allonge sous un drap de lit. 

Je suis même trop fatiguée pour voir un médecin. Heureusement, mon généraliste se déplace à domicile, mais pas les spécialistes. L'année dernière, j'ai tout de même réussi à me rendre chez le chirurgien stomatologue en ambulance, mais un tel déplacement est risqué, car le risque de voir mon état se dégrader davantage est élevé. 

Et si j'y parviens, je le vois une fois par semaine. J'attends de moment avec impatience toute la semaine. Il bricole ou dessine avec moi au lit et je regarde et réfléchis avec lui, ou nous inventons ensemble une histoire fantastique. Je me sens à nouveau complète. Bien que je sois généralement encore plus malade après une telle visite à cause de l'effort et des stimuli.

Les gens me demandent parfois comment je fais pour tenir le coup.

Je n'ai pas une vie facile, passer des journées entières seule dans l'obscurité est une solitude inimaginable. J'ai cependant la chance d'être très soutenue par ma famille et mes amis, qui m'envoient des courriers et des messages. Je ne peux plus faire grand-chose, mais sur l'écran sombre de mon smartphone, je parviens encore à lire et à envoyer des messages. C'est ainsi que je suis la vie en dehors de ma chambre. Je me suis également engagée à sensibiliser le public à cette maladie dévastatrice. En partageant mon histoire, j'espère qu'elle sera mieux reconnue. Avec ma famille et l'association 12ME, je me suis également engagée dans des actions visant à collecter des fonds pour la recherche scientifique. Nous espérons une avancée. Pour moi et pour les plus de 30 000 autres patients atteints d'EM/SFC en Belgique. Pour que la maladie ne soit plus une question de survie, mais une question de vie.

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Il existe différents degrés d'EM/SFC. Tout le monde n'est pas aussi gravement atteint que Dascha, qui vit complètement alitée dans l'obscurité. Cette forme sévère passe souvent inaperçue parce qu'il n'est plus possible pour la personne atteinte de sortir. C'est précisément pour cette raison qu'il nous a semblé important de relater son histoire. Plus d'informations sur l'EM/le SFC (Encéphalomyélite myalgique/Syndrome de fatigue chronique) sur le site de l’association Millions Missing Belgique.

auteur : Sofie Van Rossom - journaliste santé

Dernière mise à jour: juin 2024

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