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Changement climatique : pourquoi certains animaux rétrécissent-ils ?
dossier Des records de températures sont battus presque chaque année sur la planète. Fonte des glaciers, augmentation du nombre de catastrophes… Depuis maintenant plusieurs décennies, les conséquences des changements climatiques se font sentir.
En silence, la biodiversité en paie déjà le prix. De nombreuses espèces sont aujourd’hui en déclin, même si parfois, la vie semble s’adapter : certaines espèces sont capables de décaler leur domaine vital vers les pôles pour y chercher la fraîcheur, d’autres modifient leurs habitudes, et certaines deviennent même… plus petites ! Serait-ce une stratégie pour moins souffrir de la chaleur ou simplement une conséquence subie du changement climatique ?
Au cours de ma thèse sur ce sujet, je me suis appuyé sur les théories développées en biogéographie, qui visent à décrire et expliquer la répartition géographique des êtres vivants. Cette discipline méconnue ne date pas d’hier. De fameux scientifiques du XIXe siècle tels que Charles Darwin et Carl Bergmann en sont les pères fondateurs. Le premier est à l’origine de la célèbre théorie de l’évolution, tandis que le second a énoncé un principe biogéographique portant son nom : la règle de Bergmann.
L’ours polaire plus grand que l’ours malais
Au niveau des latitudes hautes, donc dans les régions froides, les animaux ont tendance à être de plus grande taille corporelle que leurs congénères des régions chaudes.
Cette tendance s’observe essentiellement chez les endothermes, c’est-à-dire les oiseaux et les mammifères. Plus précisément, les différences de taille s’observent à l’échelle de groupes d’espèces semblables (ordre, famille) tels que les ours. Ainsi, un ours polaire est largement plus grand qu’un ours malais. Il existe bien entendu de nombreuses exceptions, mais les études biogéographiques récentes ont montré que la règle de Bergmann s’appliquait surtout à une échelle plus fine, au sein même des espèces.
Les individus d’une même espèce, telle que le rouge-gorge, seront de plus grande taille vers la limite froide de leur aire de répartition que ceux qui vivent vers la limite chaude. Ce phénomène est lié à l’efficacité de la thermorégulation, la capacité à conserver ou à évacuer la chaleur corporelle.
Les individus plus grands, conservant mieux leur chaleur corporelle, ont été favorisés par la sélection naturelle dans les régions froides, réduisant les risques d’hypothermie. L’inverse est vrai aussi : les individus plus petits ont été sélectionnés dans les régions chaudes du fait d’un moindre risque de mortalité lié aux coups de chaleur.
Les différentes stratégies d’adaptation des espèces
La biogéographie est fascinante, mais elle est surtout très utile pour comprendre les réactions au changement climatique de la biodiversité. Cette dernière revêt une importance pour les humains dans son aspect divertissant, esthétique, patrimonial, passionnant, bref pour sa valeur intrinsèque. Mais elle est aussi essentielle pour les services qu’elle rend à l’humanité.
Productivité agricole et sécurité alimentaire (entre autres via le service de pollinisation), découverte de nouvelles molécules utiles à la médecine ou à l’industrie, filtrage et régulation des eaux, bien-être et santé, écotourisme, développement technologique… Même le trafic aérien commercial va se mettre à imiter le vol en formation des oies sauvages.
Face aux changements climatiques, les espèces sauvages sont forcées de répondre sur trois dimensions pour échapper aux conditions changeantes, c’est-à-dire pour fuir la chaleur : l’espace, le temps, et la physiologie.
Dans l’espace, on observe des décalages vers les pôles dans les aires de répartition des espèces. Dans le temps, les espèces décalent leurs périodes d’activité – les cerisiers par exemple fleurissent plus tôt au printemps, et les marmottes sortent de leur hibernation de plus en plus précocement. Dans la physiologie et dans le phénotype, les espèces modifient leur métabolisme, et cela peut se traduire entre autres par des changements de taille corporelle.
Rétrécir pour évacuer la chaleur ?
Devenir plus petit pour évacuer plus efficacement la chaleur. Ce phénomène serait une application de la règle de Bergmann évoquée précédemment (qui est une règle spatiale) à un contexte de changement du climat dans le temps.
Carl Bergmann avait décrit la règle stipulant que les animaux à sang chaud tendent à être plus grands dans les milieux froids que leurs congénères dans les milieux chauds. Cette règle s’appliquerait-elle dans un contexte de réchauffement climatique ?
L’idée d’appliquer dans le temps cette règle de Bergmann est récente. La réponse de la taille corporelle de certaines espèces aux changements climatique est encore mal comprise. Les animaux rétrécissent-ils partout ? Est-ce vraiment lié à une adaptation pour une meilleure thermorégulation ?
Notre équipe de recherche basée au Muséum national d’Histoire naturelle a tenté de répondre à ces questions en utilisant les données de science participative du programme de suivi temporel des oiseaux communs par capture. Ce dernier à sollicité dans toute la France des ornithologues amateurs solidement entraînés.
Les résultats ont été publiés dans Global Ecology and Biogeography et montrent que les jeunes oiseaux sont en effet plus petits les années particulièrement chaudes, mais seulement autour de la Méditerranée, là où la chaleur est déjà contraignante dès le printemps.
Au contraire, dans les régions plus fraîches où les espèces sont contraintes par le froid à cette période de l’année (qui correspond à la période de croissance de nombreuses espèces), une chaleur plus élevée leur permettrait d’économiser de l’énergie, qui peut être investie dans la division cellulaire et la croissance corporelle.
Un risque alimentaire pour les écosystèmes
Ces effets contradictoires de l’augmentation des températures pourraient aussi bien affecter la croissance des oiseaux via un effet indirect sur la disponibilité alimentaire dans les écosystèmes.
Une augmentation de chaleur au niveau du pourtour méditerranéen rendrait les conditions plus arides : moins de production végétale, moins d’insectes, et moins de nourriture pour nos jeunes oiseaux. À l’inverse, un printemps plus chaud stimulerait la croissance des plantes dans le reste de la France, ce qui favoriserait l’abondance des insectes, ces derniers constituant le plat préféré des oisillons.
Le réchauffement climatique pourrait donc faire rétrécir les animaux, mais en premier lieu dans les régions déjà chaudes. Rien ne prouve qu’il s’agisse d’une adaptation. Les dernières avancées dans le domaine, comme celles publiées dans Nature Communications et dans Proceedings of the Royal Society of London, soutiennent qu’il s’agirait au contraire des conséquences négatives d’une dégradation environnementale. Un avertissement de plus face à la crise climatique à venir.
► Nicolas Dubos, chercheurs en écologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).
► Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.