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Dominant - dominé, chef - subordonné : cette relation d’autorité est une constante dans toutes les sociétés. Comment l’enfant, selon son âge, perçoit-il cette inégalité et cherche-t-il ou pas à la corriger ?
L’enfant détecte très tôt la différence entre un individu dominant et un subordonné. Mais quel comportement adopte-t-il face à cette situation ? Va-t-il favoriser le dominant et ainsi préserver le statu quo ? Ou au contraire avantager le subordonné et instituer une forme d’égalité ? Comment ces prises de position évoluent-elles pendant l’enfance ? Autant de questions posées par une équipe franco-suisse, qui a examiné « les prémices de ce positionnement politique », selon son expression, chez les enfants âgés de 3 à 8 ans. Deux expériences ont été réalisées, l’une dite de partage de ressources, l’autre de redistribution.
1° - Les chercheurs ont demandé à des enfants de regarder une saynète avec deux marionnettes. L’une imposait systématiquement ses jeux à l’autre : les enfants reconnaissaient en elle le chef. Chaque enfant a reçu un grand et un petit chocolat et devait les donner aux marionnettes. A 3 et 4 ans, une large majorité avantage la marionnette dominante en lui offrant le grand chocolat. A 5 ans, la tendance s’estompe, pour s’inverser complètement à 8 ans (à cet âge, la quasi-totalité des enfants favorisent la marionnette subordonnée).
2° - Les enfants devaient regarder une scène dans laquelle trois personnages, dont l’un se déclarait le chef, jouaient dans un parc. Par la suite, le chef et l’un des subordonnés ont reçu chacun trois pièces, tandis que le dernier subordonné n’en a obtenu qu’une seule. Chaque enfant devait prendre une pièce à l’un des personnages les plus riches pour la donner au plus pauvre. Résultat : les plus jeunes protègent les ressources du dominant (le chef), alors que les plus âgés protègent celles du subordonné.
Les enfants plus âgés parvenaient souvent à expliquer leur choix (ils ont donné le plus grand chocolat à la marionnette dominée « parce qu’elle ne choisit jamais le jeu » ou « parce qu’elle a moins de chance »), mais les plus jeunes n’y arrivent pas (difficultés d’abstraction).
Les chercheurs avancent plusieurs facteurs pour expliquer ces mécanismes. Ainsi, les enfants plus jeunes sont plus dépendants des figures d’autorité parentale. De plus, à la crèche, les rapports de dominance entre enfants sont fréquents et relativement bien acceptés. Les jeunes enfants pourraient également vouloir s’attirer les faveurs du dominant, ou éviter d’entrer en conflit avec lui. Mais la volonté des enfants de contrecarrer les inégalités se renforce à mesure que se complexifie la vie sociale. En effet, plus ils grandissent, plus ils ont de partenaires de jeu, plus la notion d’égalité leur est nécessaire pour évoluer dans leur groupe.
Ces travaux montrent donc que les enfants commencent à être sensibles aux inégalités de statut vers l’âge de 5 ans, et que cette tendance devient très prononcée vers 8 ans. Toutefois, cela ne signifie pas que les enfants de 8 ans se montrent égalitaristes dans toutes les situations sociales. Les spécialistes s’attachent maintenant à comprendre l’effet du genre et l’influence de la culture sur cette tendance : une marionnette masculine sera-t-elle perçue comme davantage dominante ? La sensibilité aux inégalités est-elle moins forte lorsque les hiérarchies sont culturellement plus marquées ?