Tout dire au patient ? Il y a surtout la manière de le dire
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Dans une situation délicate, les explications fournies par le médecin doivent tenir compte des réactions inconscientes du patient.
On connaît bien l’effet placebo, ce bénéfice thérapeutique positif de nature purement psychologique. L’effet nocebo, c’est le même principe, mais avec une conséquence négative. Le Dr Roland Charpentier (Journal international de médecine) fait référence à l’article publié par un confrère pneumologue, qui prend l’exemple d’une patiente souffrant d’un petit cancer du poumon, avec un bilan encourageant. Le spécialiste va fournir les informations nécessaires pour que la dame se fasse une opinion.
« Au cours de son exposé, il lui explique, pour son plus grand bien pense-t-il, que la probabilité d’une intervention simple sans aucune complication est de 75% », poursuit le Dr Charpentier. Le praticien détaille les possibles conséquences néfastes, tout en insistant – chiffres précis à l’appui (tel type de complication chez cinq patients sur cent, par exemple) - sur le fait qu’elles sont rares et maîtrisables pour une large partie d’entre elles. « Le chirurgien est content de sa présentation minutieuse, complète, exposée en termes compréhensibles. Mais la dame est-elle aussi satisfaite que lui ? » On peut reformuler la question : le médecin est-il conscient de l’impact de l’effet nocebo ?
• Même si la probabilité d’une intervention sans problème et d’une suite favorable est grande, beaucoup de patients ont tendance à n’envisager que ce qui est le moins probable, singulièrement en ce qui concerne les complications.
• Les patients recherchent alors tous les éléments qui peuvent confirmer leurs sentiments négatifs. Si les proches (amis, famille…) rapportent une expérience médicale négative, cela rend sa perspective encore plus plausible.
• Avancer des chiffres (5 patients sur 100…) plutôt que des proportions (un vingtième des patients...) ou des pourcentages (5% des patients…) rend la situation plus inquiétante encore.
En fait, nous n’accordons pas la même valeur aux pertes qu’aux gains. La probabilité d’événements indésirables est surestimée. Or, cet effet nocebo peut se traduire de manière très concrète. Ainsi, les patients avertis qu’une intervention sera douloureuse souffrent davantage que ceux qui ne l’ont pas été ; alors que les patients informés d’effets indésirables possibles ont plus de risques de les présenter.
Le Dr Charpentier insiste sur le fait que les médecins doivent absolument tenir compte de ces réalités dans la formulation de leurs explications.