La sédation palliative, terminale ou contrôlée consiste à plonger un patient (en phase terminale) dans un profond sommeil artificiel, afin de le délivrer de sa souffrance. En général, on applique la sédation de manière continue jusqu’au décès de la personne mais on peut parfois avoir recours à une sédation intermittente ou de courte durée. L’administration artificielle d’aliments et de liquides est également supprimée : elle n’a plus de sens et peut même s’avérer dangereuse pour le patient sous sédation.
Deux rapports importants ont été publiés aux Pays-Bas afin de mettre un terme à la discussion. Il en est ressorti deux directives claires :
La sédation palliative se distingue de l’euthanasie dans la mesure où elle n’est pas destinée à raccourcir la vie. Rien n’indique qu’une sédation palliative administrée selon les règles de l’art abrège la vie. Aucun patient ne décède d’une dose adéquate de benzodiazépines. Les médecins qui affirment « avoir l’intention explicite de mettre fin à la vie » en administrant des benzodiazépines ne savent apparemment pas qu’ils utilisent le mauvais médicament. Si la sédation est administrée avec soin, elle peut même réduire le fardeau supporté par le patient, ce qui peut ralentir le processus au lieu de l’accélérer.
Il faut donc opérer un distinguo clair entre sédation palliative et euthanasie. La sédation palliative constitue le premier choix si le patient veut mettre un terme à ses souffrances mais pas encore à sa vie.
Dans la définition de nos voisins néerlandais, on ne peut jamais avoir recours à la sédation pour abréger la vie. Elle ne peut donc pas constituer une voie détournée pour atteindre le même objectif que l’euthanasie (soit la fin de la vie), à un rythme plus lent et sans tenir compte des procédures et exigences qui régissent l’euthanasie. La sédation palliative n’est donc pas une « slow euthanasia ».
Si le patient ne veut pas continuer à vivre, il est donc question d’euthanasie et non de sédation.
Le patient peut avoir de bonnes raisons de préférer l’euthanasie à la sédation palliative, par exemple parce qu’il souhaite rester en mesure de communiquer avec ses proches, durant ses derniers jours de vie, et ne veut donc pas sombrer dans l’inconscience, ou parce qu’il ne veut pas décéder sous sédation.
Autre différence de taille, la sédation palliative est réversible (en principe), contrairement à l’euthanasie.
L’existence d’une ou de plusieurs pathologies (ou symptômes réfractaires) est au centre de toutes les directives. Un symptôme est ou devient réfractaire quand aucun traitement conventionnel n’est efficace (suffisamment vite) et/ou si le traitement s’accompagne d’effets secondaires intolérables.
La KNMG estime qu’on ne peut administrer de sédation palliative en l’absence de symptôme réfractaire, même si le patient ne veut pas être conscient durant ses derniers moments, par exemple.
En revanche, le patient souffrant de symptômes réfractaires a droit à la sédation palliative, précisément parce qu’elle est considérée comme un « acte médical normal ». L’euthanasie et plus généralement la fin de vie ne sont pas considérées comme des actes médicaux normaux et il n’existe donc pas de droit à l’euthanasie.
Selon diverses études, 16 à 52% des patients terminaux atteints d’un
cancer souffrent de symptômes réfractaires durant leurs derniers jours. Les autres catégories présentent des pourcentages comparables.
Aux Pays-Bas, les principales raisons avancées pour administrer une sédation terminale en 2008 étaient l’insuffisance respiratoire (25%), la douleur (16%), l’épuisement physique (15%) et l’
anxiété (38%). Des symptômes non-physiques sont moins souvent décisifs : les tourments existentiels (7%), la peur (3%) et l’épuisement psychique (3%). Les formes sévères de
nausées et de vomissements sont moins fréquemment signalées.
En pratique, on assiste généralement à l’addition de différentes dimensions d’un symptôme (par exemple, une insuffisance respiratoire grave qui engendre une terrible détresse) et/ou de symptômes différents, qui placent le patient dans une situation insupportable ou l’exposent à de grandes souffrances.
L’avis du patient est extrêmement important, en particulier quand il s’agit de l’impact et des effets secondaires d’un traitement. Il peut juger inacceptable une thérapie qui a peu d’effets dans un délai raisonnable ou qui est trop lourde.
Les informations communiquées par le personnel soignant peuvent également être importantes. Sur base de ses observations et de la mesure des symptômes, il est généralement en mesure d’étayer les signaux relatifs au souhait ou au besoin de sédation palliative.
Patient terminal
On doit s’attendre à un décès à court terme, soit endéans une à deux semaines. Dans ce cas, le médecin peut décider d’entamer une sédation profonde jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Si on part du principe que la sédation ne doit pas abréger la vie mais qu’on décide en même temps de ne plus hydrater le patient, son espérance de vie ne doit pas dépasser une semaine. En cas d’espérance de vie plus longue, la sédation profonde va en effet avoir un impact sur le moment du décès, puisque que le patient va décéder plus tôt, par déshydratation.
Selon une étude menée en Flandre, 35,8% des patients sous sédation profonde et continue décèdent endéans les 24 heures et 90% dans les sept jours.
Patient non-terminal
On peut être confronté à une situation particulière si le patient présente des symptômes réfractaires sans que sa vie ne soit menacée avant une ou deux semaines, par exemple s’il souffre de pathologies telles que la dystrophie musculaire, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et une insuffisance cardiaque ou respiratoire. Il est parfois difficile de dire si ces patients sont en fin de vie. Une sédation palliative brève ou intermittente peut alors être administrée : cela permet de vérifier qu’un symptôme est vraiment réfractaire.
Voir aussi l'article :
Euthanasie : que dit la loi en Belgique ?
Conditions à la sédation palliative
Compétence
La KNMG attache énormément d’importance à la compétence du médecin traitant, qu’il s’agisse des indications médicales (le diagnostic de symptômes réfractaires), de la nature de la sédation (temporaire, intermittente ou continue) ou du choix des médicaments et de leur dosage.
Quand la sédation palliative se déroule dans le cadre des soins palliatifs, l’équipe médicale dispose d’une expertise suffisante pour juger de la situation et adopter une approche adéquate, pluridimensionnelle. En d’autres termes, le personnel soignant prête une attention suffisante aux aspects somatiques, psychiques, sociaux et philosophiques, dans son analyse de la situation. Il faut qu’il y ait un consensus sur l’impossibilité de traiter le symptôme et la nécessité d’une sédation.
Avis externe
Le médecin responsable du traitement doit consulter des personnes compétentes s’il ne possède pas suffisamment de connaissances en matière de sédation palliative, de traitement des symptômes réfractaires et/ou s’il n’est pas certain de son jugement. Il doit de préférence se tourner vers un consultant en soins palliatifs.
La consultation d’un spécialiste n’est pas obligatoire aux yeux de la KNMG, si le médecin traitant possède les compétences requises. C’est là encore une différence importante par rapport à l’euthanasie : aux Pays-Bas comme en Belgique, il faut toujours obtenir l’aval d’un médecin tiers, parfois même de deux.
L’avis d’un professionnel externe, de préférence spécialisé en soins palliatifs, est toutefois requis pour l’administration d’une sédation provisoire ou intermittente sur un patient non-terminal.
Continuité des soins
La KNMP insiste sur l’importance de la continuité de la collaboration et de l’échange d’informations entre les membres du personnel soignant, surtout quand la sédation se déroule au domicile du patient, les personnes impliquées n’ayant pas de contacts réguliers.
Implication du patient
Si le patient est en mesure d’exprimer sa volonté, son accord est incontournable. En cas de souffrances intenses et intraitables, il faut discuter des options possibles (sédation palliative, euthanasie). L’objectif poursuivi par la sédation, soit le soulagement de la souffrance et non l’abréviation de la vie, doit être clair aux yeux de toutes les personnes concernées.
Si le patient n’est pas capable d’exprimer sa volonté, l’accord de son représentant n’est pas requis.
En cas de situation grave et subite, il n’est pas toujours possible de prendre le temps de se concerter, parce que le patient souffre beaucoup et va décéder dans un laps de temps très bref, de quelques minutes ou quelques heures. Ça peut arriver en cas d’hémorragie artérielle suite à une tumeur de la gorge ou du cerveau ou d’un étouffement provoqué par une hémorragie pulmonaire dans le cas d’un carcinome des bronches. Il n’existe pas de traitement pour ce genre de complications et les soins ont alors pour seul objectif de ne pas faire souffrir davantage le patient. Le médecin traitant assume alors la responsabilité de la décision mais il doit informer le représentant du patient de cette décision et de ses conséquences le plus rapidement possible.
C’est là encore une différence notable avec l’euthanasie, qui requiert l’autorisation (écrite) du patient.
Gestion de la famille
Les soins palliatifs ne se limitent pas au patient. Le personnel soignant doit également offrir son soutien et son attention aux proches. Ceux-ci jouent un rôle important dans le processus qui mène à la sédation palliative comme durant l’exécution de celle-ci. Qu’ils soient le partenaire du patient, une connaissance ou un membre de la famille, ils sont aussi des observateurs, des dispensateurs de soins et des représentants du malade. Informer les proches, collaborer avec eux, évaluer la situation en leur compagnie sont autant d’actes essentiels au bon déroulement de la sédation palliative et à des adieux dignes de ce nom.
Il faut également offrir à la famille un certain soutien, en prévision du décès du patient.
Dossier médical
Le médecin traitant doit consigner toutes les étapes du processus dans le dossier médical du patient : pourquoi on a décidé d’appliquer une sédation palliative, comment elle est appliquée, quels sont ses effets et quels sont les critères de dosage des sédatifs. Le médecin note également l’entretien qu’il a eu avec le patient et/ou ses proches ainsi qu’avec les autres membres du personnel soignant et d’éventuels consultants.
Voir aussi l'article :
Le don d'organes après l'euthanasie
Hydratation ou pas ?
On n’hydrate pas le patient artificiellement en cas de sédation continue mais bien au début d’une sédation intermittente ou brève.
L’immense majorité des patients qui entrent en compte pour une sédation palliative n’absorbent déjà presque rien au moment où on entame la sédation et ils décèdent généralement quelques jours plus tard.
La sédation en elle-même ne raccourcit pas la vie mais elle y aboutit de facto quand on renonce à alimenter artificiellement le patient dont l’espérance de vie dépasse une semaine. Un baxter peut prolonger sa vie mais n’a aucun objectif thérapeutique ni palliatif, une fois que le patient n’est plus conscient.
Si le patient reste en mesure de s’hydrater lui-même, le médecin doit expliquer à celui-ci et à ses proches que la sédation profonde l’empêchera d’être hydraté. On ne peut entamer la sédation continue que si le patient décide lui-même de renoncer à toute hydratation. S’il exprime le souhait de continuer à absorber un liquide, on peut opter pour une sédation palliative superficielle, brève ou intermittente.
L’hydratation d’un patient qui n’est plus capable d’ingérer quoi que ce soit par lui-même est dépourvue de sens. Elle peut prolonger, voire aggraver les souffrances en augmentant la taille d’un
œdème, la douleur, les sécrétions bronchiques, la production d’urine et l’
incontinence.
La suppression de l’hydratation artificielle n’implique pas de souffrances supplémentaires. Celles-ci sont supprimées par l’administration d’une sédation profonde et continue. Quand le patient n’est pas capable de spécifier qu’il ne veut plus d’hydratation artificielle, il est important de bien expliquer à ses proches ou à son représentant pourquoi on met un terme à celle-ci, quelles en sont les conséquences et l’évolution à laquelle on peut s’attendre.
La sédation ne constitue pas d’argument valable pour juger l’alimentation et l’hydratation médicalement superflues.
Sources :
www.leif.be
www.knmg.nl
Dernière mise à jour: juillet 2022
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