Les végétariens vivent-ils plus longtemps ?
dossier Ces dernières années, vous avez peut-être remarqué que de plus en plus de gens, dans votre entourage, se détournent de la viande. Lors des dîners et des barbecues familiaux, sur les médias sociaux ou dans les médias, le végétarisme et son cousin plus austère, le véganisme, ont le vent en poupe. En Australie, même si les steaks végétaux et les salades de « superaliments » ne sont pas prêts de remplacer totalement l’agneau, le poulet ou le bœuf, le nombre d’habitants se disant végétariens augmente régulièrement.
D’après une étude menée par Roy Morgan Research, près de 2,1 millions d’adultes australiens sont passés à une alimentation végétarienne ou flexitarienne. En France, le végétarisme concernerait environ 3 % de la population. Mais si vous demandez à un végétarien pourquoi il a fait ce choix, vous êtes susceptible d’obtenir des réponses très différentes.
Parmi les raisons invoquées, il y a l’environnement, le bien-être des animaux, mais aussi des préoccupations éthiques, des croyances religieuses et, bien sûr, la santé. C’est sur ce dernier élément que porte notre enquête.
Un avantage de survie ?
Il existe plusieurs études sur l’impact du végétarisme sur la santé, mais leurs résultats sont mitigés. Une étude parue en 2013, menée aux États-Unis entre 2002 à 2009 sur plus de 95 000 hommes et femmes, a permis d’établir que les végétariens voyaient leur risque de mourir prématurément baisser de 12 % (toutes causes confondues) par rapport aux non-végétariens.
Étant donné la nature controversée des discussions sur le végétarisme et la consommation de viande, ces résultats ont rencontré un large écho et ont été salués par les partisans du végétarisme.
Nous avons souhaité tester de nouveau ces résultats, pour comprendre si le fait d’être végétarien se traduit effectivement par un gain de durée de vie au sein de la population australienne. En Australie, le Sax Institute mène une étude nommée « 45 et plus », soit la plus grande étude en cours sur le vieillissement en bonne santé dans l’hémisphère sud. Elle permet de mener des recherches sur plus de 260 000 hommes et femmes âgés de 45 ans et plus en Nouvelle-Galles-du-Sud.
Pour les besoins de notre enquête, nous avons suivi 267 180 hommes et femmes pendant six ans (en moyenne). Au cours de la période de suivi, 16 836 participants sont morts. Lorsque nous avons comparé le risque de décès prématuré chez les végétariens et les non-végétariens – en prenant simultanément en compte tout un panel d’autres facteurs – nous n’avons trouvé aucune différence statistique.
Autrement dit, lorsque nous nous sommes plongés dans les données, nous avons constaté que les végétariens ne risquaient pas moins de mourir prématurément, comparativement aux mangeurs de viande.
Cette absence d’« avantage de survie » chez les végétariens, que nous avons décrit dans Preventive Medecine, avait déjà été observé. En 2015, une étude de cohorte menée au Royaume-Uni a conclu que végétariens et non-végétariens étaient exposés aux mêmes risques de décès (toutes causes confondues), ce qui vient contredire les études menées aux États-Unis.
Faut-il pour autant abandonner les asperges, allumer le barbecue et se gaver de saucisses, de steaks et de cheeseburgers ? Pas forcément.
D’autres facteurs « santé »
Dans les études épidémiologiques, il est fréquent de contrôler statistiquement différents facteurs (nous les nommons « facteurs de confusion » car ils peuvent mener à de fausses conclusions).
Nous avons ainsi contrôlé un certain nombre de facteurs pour comprendre si le végétarisme pouvait à lui seul diminuer le risque de décès prématurés.
Il faut noter que dans la plupart des études, les végétariens apparaissent plus attentifs aux comportements vus comme « bons pour la santé » ; leurs habitudes sont plus saines que la moyenne.
Par exemple, parmi les participants de 45 ans et plus de l’étude menée par le Sax Institute, les végétariens déclarent moins souvent que les non-végétariens qu’ils fument ou boivent beaucoup, délaissent l’activité physique ou sont en surpoids ou obèses. Au début de l’enquête, ils étaient également moins nombreux à déclarer souffrir d’une maladie cardiaque, d’une maladie métabolique ou d’un cancer.
Dans la plupart des études antérieures, les végétariens présentaient un risque plus faible de décès prématuré (toutes causes confondues) dans l’analyse non ajustée. Cependant, après avoir contrôlé le rôle d’autres facteurs dans leur style de vie, tels que ceux énumérés ci-dessus, la réduction du risque a souvent diminué de façon significative (voire a complètement disparu).
Cela permet de penser qu’au-delà du fait de ne pas manger de viande, d’autres éléments peuvent contribuer à la meilleure santé des végétariens. En fait, ce sont les comportements plus sains associés généralement au fait d’être végétarien – comme le fait de ne pas fumer, de maintenir un poids de forme, de faire de l’exercice régulièrement – qui expliquent pourquoi les végétariens ont tendance à être en meilleure santé que les non-végétariens.
Dans une autre étude, menée en utilisant les données de l’étude « 45 et plus », nous avons découvert que les gens qui mangeaient plus de fruits et de légumes, et en particulier ceux qui en consommaient sept portions ou plus par jour, avaient un risque de décès prématuré plus faible que ceux qui consommaient moins, même en prenant en compte d’autres facteurs.
Et bien que nous ne soyons pas certains que le régime végétarien favorise la longévité, les études sur le végétarisme prouvent qu’il a d’autres avantages pour la santé. Par exemple, le régime végétarien est toujours associé à un risque réduit d’hypertension, de diabète de type 2 et d’obésité.
Une méta-analyse (une analyse statistique combinant des données provenant de plusieurs études) de 2012 a établi que les végétariens avaient un risque inférieur de 29 % de mort prématurée du fait d’une maladie cardiaque et un risque inférieur de 18 % de mort prématurée en raison d’un cancer.
Gardons à l’esprit que l’Agence internationale de recherche sur le cancer (l’agence de lutte contre le cancer de l’Organisation mondiale de la santé) a classé la consommation de viande transformée comme carcinogène et la viande rouge comme probablement cancérigène.
Mais alors, qu’est-ce que tout cela signifie ?
Bien que nous ne puissions pas affirmer qu’être végétarien aide à vivre plus longtemps, nous savons qu’une alimentation équilibrée et bien pensée, comprenant suffisamment de fruits et de légumes, est certainement bonne pour la santé.
Nous savons aussi que la pratique d’une activité physique suffisante, une consommation d’alcool modérée et le fait de ne pas fumer sont des facteurs clés pour vivre plus longtemps. Et nous avons de plus en plus de preuves que les végétariens adoptent plus souvent que les autres ces saines habitudes.
••• Auteur : Melody Ding, Senior Research Fellow of Public Health, University of Sydney
••• La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.