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Témoignage | "Jamais je n'aurai ma fille", quand le sexe de bébé n'est pas celui désiré
dossier Quand Justine a su que le deuxième enfant qu'elle attendait était un garçon, elle s'est effondrée. Littéralement. Et à cet effondrement s'ajoutaient la honte et la culpabilité de pleurer, alors que son bébé allait bien. C'était une double peine: elle devait faire le deuil de ce qu'elle n'aurait jamais, mais en plus, il lui fallait affronter ce sentiment d'être un monstre. Justine a osé témoigner sur ce sujet ultra-tabou. "C'était un après-midi du mois de septembre. J'étais chez ma gynéco pour une visite de routine + petite écho de contrôle. Je lui demande si elle voit le sexe du bébé. Du doigt, elle me désigne un endroit sur l'écran : "ça se passe par là". Et là, je le vois clairement, le bourgeon de mon bébé, bien perpendiculaire à son dos. Félicitations madame, c'est un garçon !
Le vide
Je continue de sourire. Ça doit plutôt ressembler à un rictus. Je prends sur moi. Je ne veux pas que ma gynéco voie mon désarroi, mais je sens que je vais m'effondrer. Elle me dit que bébé va bien, on se revoit dans un mois et demi. Bonne journée, portez-vous bien. Je réponds un "oui oui merci" machinal, mais je suis déjà loin... Dans le bus, je me mets à pleurer. J'ai honte, alors je tourne la tête. Je pleure sans m'arrêter. J'envoie un message à mon compagnon. Je lui dis que c'est un garçon et que ça ne va pas. J'arrive à la maison, je pleure encore. Je pleure ainsi pendant 3 jours. Je me réveille très tôt le matin, dans les larmes. Une boule me serre la gorge en permanence. Ça me rappelle du vécu : la perte d'un être cher. Je me réveillais pareil, dans les larmes. Merde, ça craint ! Mon bébé va bien, tout va bien, j'attends un bébé qui va bien, et moi je pleure comme si j'avais perdu quelqu'un ! Je me déteste. J'ai des idées noires.Ton bébé est en bonne santé, c'est le principal !
Une amie vient à la maison me consoler, tout s'embrouille : je pleure, je lui dis que je suis horrible de ressentir ça, mais que je n'aurai jamais de fille, je n'aurai jamais MA fille !!! Elle m'écoute, elle comprend (enfin je crois), et elle me prend dans ses bras. J'ai peur d'entendre des "mais ton bébé est en bonne santé, c'est le principal" ou des "plein de femmes n'arrivent pas à avoir d'enfants" ou encore "mais faut pas pleurer, c'est pas bon pour le bébé". Je les redoute tant que, quand je les sens venir dans la bouche des rares personnes à qui je me confie, j'anticipe en disant "je sais, mon bébé est en bonne santé, mais ce que je vis là, c'est complètement irraisonné." Vous n'avez pas besoin de me le dire. Je suis en colère contre moi-même, mais je suis submergée par des émotions d'une violence inouïe, comme une vague qui m'engloutit par surprise. Je ne comprends pas ce qui m'arrive. Je m'étais imaginée être un peu déçue, ok, mais ça... non vraiment, je ne comprends pas. Et je culpabilise avant tout pour cet enfant, là, qui ne se doute de rien lui, dans mon ventre. Je sais tout ça : les bébés en bonne santé, les femmes infertiles, la chance que j'ai d'être enceinte, qui plus est à 39 ans. Mais là, tout de suite, il n'y a que moi et mon chagrin. Laissez-moi tranquille.Mère et fille
Je suis en train de perdre ma mère. Je sais qu'il ne lui reste que très peu de temps à vivre, et qu'elle ne verra sans doute pas mon bébé. Ma mère, c'était la seule femme de mon entourage proche. J'ai deux frères, mon frère a deux fils, et mon compagnon a trois frères. La fille ? C'est moi. La seule. Entourée d'hommes depuis toujours. Je ne sais pas ce que ça fait que d'avoir une sœur, j'en ai rêvé pourtant, enfant ! Alors j'ai tout misé sur ma fille. Toi la fille que j'ai tellement fantasmée, mais que, finalement, je n'aurai jamais. J'étais persuadée qu'un jour, je te tiendrai dans mes bras, ma toute petite fille. J'avais cru qu'un jour, je te donnerais mes Barbies ou mes Petits Poneys, que j'avais gardés toutes ces années pour toi. Je t'amènerais à ton premier cours de danse classique. J'aurais des cheveux à démêler, des couettes à nouer. Je t'emmènerais dans les rayons de poupées. Je te donnerais ce pull que tu me piquerais tout le temps, en grandissant. Je t'expliquerais les premières règles, comme ma mère m'avait expliqué. On irait faire les magasins, pour ton premier soutien-gorge. Je te demanderais des conseils sur une tenue - est-ce que ça fait pas trop jeune ? J'ai pas ton âge hein ! -. Je te raconterais mes accouchements, la douleur de l'enfantement, la maternité. Je te donnerais la bague de fiançailles de ma grand-mère, dont ma mère avait hérité, et dont j'ai hérité à mon tour.Mais je n'ai pas de fille. Jamais je n'aurai de fille
À qui je vais donner cette bague ? Et surtout... qui s'occupera de moi le jour où je serai malade ? Ma mère était prisonnière d'un corps malade, complètement paralysée. Comment aurait-elle fait sans moi ? Je l'ai lavée, emmenée aux toilettes, essuyée, habillée. Elle ne pouvait plus parler mais, comment aurait-elle vécu de montrer son corps nu à ses fils, mes frères ? C'est quand même plus facile quand on a une fille non ? Et puis les filles c'est plus doux, ça vous demande comment vous allez, quand vous commencez à tomber malade et que le monde entier semble ne pas le voir...Mon chagrin, ça n'était pas d'avoir un deuxième garçon, c'était de ne jamais avoir de filleAu 4e jour après l'annonce du sexe de mon bébé, j'ai vu une psy. Elle était spécialisée en péri-natalité. J'ai parlé pendant une heure et demi, et je suis repartie le cœur un peu moins lourd. Elle m'avait permis de déculpabiliser... un peu. Les jours qui ont suivi, je n'ai plus pleuré, mais mon cœur restait gros de ce deuil que je devais faire. Mon chagrin, ça n'était pas d'avoir un deuxième garçon, c'était de ne jamais avoir de fille. Il me manquera toujours quelqu'un. Quelques jours plus tard, un samedi matin, j'ai senti mon bébé bouger pour la première fois. J'avais encore la gorge serrée, mais j'ai souri. Je n'avais pu toucher ce ventre pendant tout ce temps, mais là, ce matin-là, j'ai posé mes mains. Et tu as bougé, encore et encore, toi, mon petit garçon que j'aimais déjà, de toute façon. Mais de ça, je n'avais jamais douté..." Suivez Minimi sur Facebook et Instagram Lire aussi : Fille ou garçon? Les méthodes pour choisir le sexe de votre enfant Fille ou garçon? La méthode pour voir le sexe de bébé à l'échographie (avec exemples) Chronique | Mais pourquoi ma mère ne m’a rien dit ? #MonPostPartum