La solitude, amie ou ennemie ?
dossier Lors des confinements, beaucoup de célibataires ont souffert d’être isolés dans leur logement pendant de longues semaines. A l’inverse, des personnes vivant en famille auraient tout donné pour se retrouver seules quelques heures. Aujourd’hui, alors que la vie a presque repris son cours normal, la parole se libère. Un grand nombre de personnes commencent à verbaliser le manque ou l’excès de solitude ressentie. Comment expliquer que nous ne soyons pas tous égaux face à la solitude ? Pourquoi certains semblent-ils la fuir et d’autres la rechercher ? Quand cela devient-il problématique ?
Subie ou non, ça change tout
Un sentiment très subjectif
Le mal-être engendré par cette période si particulière laisse encore des stigmates qu’il est impératif de prendre en charge. Mais pour la spécialiste, ces circonstances exceptionnelles peuvent aussi être l’opportunité d’interroger notre relation aux autres, d’en apprendre un peu plus sur nous-mêmes, de mieux comprendre nos véritables besoins.
« Se demander pourquoi on préfère rester seul chez soi tous les week-ends, ou au contraire pourquoi la perspective d’une soirée en tête-à-tête avec la télé ou un livre nous angoisse, est un questionnement pas forcément confortable, mais il est intéressant », explique Ludmilla De Win. « En effet, s’interroger sur notre rapport à la solitude, c’est avant tout s’interroger sur notre relation à nous-même et à autrui. D’ailleurs, si l’on regarde la définition de la solitude, on constate qu’il s’agit du sentiment d’être seul. C’est donc très subjectif. Cela explique pourquoi nous ne la vivons pas tous de la même façon. »
Apprendre à mieux connaître ses besoins
Si on schématise, on dira que les personnalités plutôt introverties apprécient la solitude car elle est énergisante. Elles rechargent leurs batteries quand elles sont seules, quand elles se coupent des sur-stimulations engendrées par la vie en société et par les réseaux sociaux. A l’inverse, les personnalités plutôt extraverties ont besoin du contact des autres pour se sentir bien. Les confinements ont pu confirmer ou remettre en cause ce que chacun pensait connaître de ses besoins.
Certaines personnes ont réalisé à quel point la solitude leur était insupportable alors qu’elles n’en n’avaient jamais pris conscience, tant elles s’arrangeaient pour avoir un emploi du temps surchargé, du lundi matin au dimanche soir. D’autres ont constaté qu’en fait elle leur convenait bien, même si elles en ont été les premières surprises.
« Cela montre bien que l’être humain peut être ambivalent, qu’il est tout le temps dans un mouvement de va et vient entre ses différentes aspirations », explique Ludmilla De Win. « Il faut accepter que tout n’est jamais figé, ni totalement tranché. Quand on aspire à davantage de solitude, notamment si on a une vie de famille ou une vie amicale généralement bien remplie, il faut aussi assumer ce besoin, qui laisse parfois de la place pour la culpabilité vis-à-vis de l’entourage. Mais c’est important d’écouter et respecter ses besoins. »
Mais à partir de quel moment fuir ou rechercher la solitude peut-il être le signe d’un malaise ? « Tant que cela s’accompagne d’une sensation de bien-être, que cela n’a pas de répercussions sur la vie quotidienne, aucune de ces aspirations n’est problématique. S’il y a souffrance, il convient de s’interroger », précise Ludmilla de Win. Sortir tous les soirs, fréquenter des personnes que l’on n’apprécie que grâce aux effets de l’alcool, de peur de se retrouver seul avec ses pensées, peut être le signe d’un mal-être. Tout comme le fait d’aller jusqu’à décliner toutes les invitations ou d’appréhender d’aller au bureau. Comme toujours, ce sont les extrêmes qui doivent questionner.