Orgasme : comment combler le fossé entre hommes et femmes ?
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Étudier l’orgasme n’est pas tâche facile. Les recherches que nous menons à l’Université Concordia, à Montréal, concernent la psychologie du comportement sexuel. Nous nous intéressons en particulier à la « controverse » entourant l’orgasme clitoridien, par opposition à l’orgasme vaginal.
Nous avons effectué une synthèse de la documentation sur l’état actuel des connaissances et les différents points de vue concernant ce phénomène chez la femme. La caractérisation de l’orgasme féminin fait l’objet de débats depuis plus d’un siècle. Bien que les scientifiques aient une idée de ce en quoi consiste un orgasme, il existe encore une bonne part d’incertitude concernant la façon dont il se produit.
L’orgasme compte parmi les rares phénomènes qui surviennent à la suite de l’interaction simultanée et hautement complexe de plusieurs mécanismes physiologiques et psychologiques. Il existe peut-être des raisons évolutives expliquant pourquoi les hommes sont plus enclins à atteindre l’orgasme durant les relations sexuelles. Toutefois, nous ne devrions pas nous restreindre à cette idée. En effet, une partie du problème réside dans la chambre à coucher.
En avoir ou pas
Chaque personne a ses préférences quand il est question de pratiques sexuelles. Nous avons cependant tous un point en commun : nous savons ce que c’est d’avoir un orgasme, ou de ne pas en avoir. Il peut nous arriver d’avoir un rapport sexuel sans atteindre l’orgasme, et c’est tout à fait normal. En effet, les gens peuvent avoir des relations sexuelles pour différentes raisons. Il reste toutefois que de nombreuses études ont montré que les femmes atteignent l’orgasme moins souvent que les hommes durant une relation sexuelle.
A titre d’exemple, lors d’un sondage d’envergure nationale mené aux États-Unis pour un orgasme rapporté par une femme, les hommes en ont déclaré trois. Les hommes hétérosexuels ont dit avoir fréquemment, ou toujours, atteint l’orgasme au cours d’une relation intime, soit 95% du temps.
Cette disparité semblait moins grande chez les personnes homosexuelles et bisexuelles, alors que 89% des hommes homosexuels, 88% des hommes bisexuels, 86% des lesbiennes et 66% des femmes bisexuelles ont dit atteindre l’orgasme durant les rapports sexuels.
Maintenant, examinons de plus près ce qui peut expliquer le fossé orgasmique. Les recherches montrent que le type de relation que nous entretenons avec notre partenaire y est pour quelque chose. Ainsi, dans le cas d’une personne engagée dans une relation à long terme, le fossé aura tendance à se réduire, tandis qu’il sera plutôt porté à se creuser dans le cas d’une relation sexuelle occasionnelle.
Ainsi, les femmes engagées dans une relation durable disent atteindre l’orgasme à une fréquence élevée, jusqu’à 86% du temps, tandis que celles qui privilégient les relations sexuelles occasionnelles mentionnent avoir un orgasme 39% du temps seulement. Soulignons par ailleurs que les femmes hétérosexuelles atteignent souvent et facilement l’orgasme par la masturbation.
De même, plus le partenaire a une connaissance approfondie des organes génitaux féminins (en particulier du clitoris), plus les probabilités que la femme ait des orgasmes fréquents sont élevées. Enfin, et surtout, les répondants ont signalé que le type de stimulation le plus fiable pour atteindre l’orgasme chez la femme est le sexe oral.
Nous ignorons pourquoi il existe un tel écart entre les rapports sexuels occasionnels et les relations à long terme. Mais, une partie de la réponse réside peut-être dans la façon dont nous communiquons nos désirs et nos attentes sur le plan sexuel, ainsi que dans notre attitude à l’égard du plaisir sexuel.
Ce que l’éducation sexuelle ne vous a pas enseigné
On enseigne à l’école une variété de matières pertinentes. Toutefois, l’éducation sexuelle a fait, et fait encore, l’objet de débats, notamment d’ordre moral. Pour beaucoup d’entre nous, l’éducation sexuelle se résumait à la biologie de l’appareil reproducteur et aux précautions à prendre pour éviter la grossesse ou les maladies sexuellement transmissibles.
Jusqu’à tout récemment, l’éducation sexuelle aux États-Unis se destinait principalement à empêcher les jeunes d’avoir des rapprochements intimes (NDLR : en Belgique ou en France, l’histoire de l’éducation sexuelle est quelque peu différente. Les sexologues français se sont notamment illustrés au cours des années 1970, lors du renouveau de la sexologie hexagonale).
« Utilisez toujours des préservatifs » reste peut-être encore le message le plus progressif véhiculé en contexte d’éducation sexuelle. Aujourd’hui, les méthodes ont évolué et on enseigne ce qu’est la sexualité, et en quoi consistent des relations sexuelles éthiques et respectueuses.
Mais là encore, on évite d’aborder le sujet dans sa globalité. Qu’en est-il du plaisir sexuel, des façons de découvrir ce que nous préférons sexuellement ou d’avoir une sexualité épanouie et satisfaisante ?. Comment communiquer nos préférences à nos partenaires sexuels ou aborder d’autres aspects essentiels de la vie intime ?
La clé pour atteindre l’objectif ultime – avoir du plaisir – est de savoir ce que votre partenaire et vous-même désirez, et comment vous satisfaire mutuellement. Par conséquent, toute éducation sexuelle incomplète ou biaisée – qui omet le fait que la sexualité ne concerne pas uniquement la reproduction, mais inclue aussi le plaisir – nuit tant aux hommes qu’aux femmes.
La première chose que l’on devrait probablement enseigner à propos de la sexualité, c’est qu’il s’agit d’un des passe-temps favoris des adultes. Tenter d’empêcher les rapports sexuels aujourd’hui ne fera qu’augmenter la probabilité que de futures générations s’y adonnent encore plus. Sauf qu’elles en sauront encore moins sur la façon d’en tirer un maximum de satisfaction.
Quelques conseils à l’intention des partenaires sexuels
Face au fossé orgasmique, notre première réaction sera peut-être de pointer du doigt et de rejeter le blâme sur autrui : les attitudes culturelles ; la religion ; la société ; le système d’éducation, notre ex., etc. Néanmoins, toute personne un tant soit peu rationnelle conviendra que le fossé orgasmique est un phénomène multifactoriel.
Quand il est question de votre propre intimité, les statistiques ne pèsent pas lourd dans la balance. Dans la chambre à coucher, il n’y a que vous et votre ou vos partenaires, et c’est tout ce qui compte. Il n’est pas possible de créer ni de déclencher d’orgasme chez autrui. On peut seulement le rendre plus facile à atteindre, plus agréable et plus satisfaisant pour son partenaire.
Même si vous avez une bonne idée de ce qu’aime votre partenaire au lit, il reste que les goûts varient considérablement d’une personne à l’autre. Par conséquent, comprendre ce que votre partenaire désire – comment, quand, où et pendant combien de temps – requiert de l’ouverture, une confiance mutuelle et surtout, une bonne communication.
Ces éléments clés sont peut-être les ingrédients qui manquent dans beaucoup de relations, tant occasionnelles qu’à long terme. Nous pourrions tous et toutes faire preuve de plus d’ouverture et d’humilité, et reconnaître qu’avec une bonne attitude et la bonne personne pour nous renseigner, il est possible de rendre la chose meilleure.
En effet, vos prouesses sexuelles et vos habiletés à satisfaire votre partenaire s’améliorent avec la pratique ; il va sans dire que la vie sexuelle devrait se bonifier après des expériences négatives.
Il y a très peu de choses en ce monde dont tous et toutes peuvent profiter, et l’orgasme en fait partie. Rappelez-vous que le plaisir sexuel ne réside pas dans l’atteinte du sommet de la montagne, mais dans le chemin emprunté pour s’y rendre.
Alors, que peut-on faire ? Parler, faire preuve de confiance et porter attention à son partenaire.
La notion de satisfaction revêt différentes significations selon les personnes. Ce qui importe vraiment reste ce que vous et votre partenaire désirez. Briser le plafond de verre de l’orgasme est un effort d’équipe. La sexualité est agréable – et chacun et chacune a des choses à apprendre sur le sujet.
Gonzalo R. Quintana Zunino, Dr. Behavioral Neuroscience and Public Scholar, Concordia University et Conall Eoghan Mac Cionnaith, Ph.D Candidate, Concordia University.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.